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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1047

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Français et les démonstrations auxquelles ce voyage a donné lieu. J’essaierai de toucher à tous ces points l’un après l’autre, et de rechercher ainsi quels effets a produits partout la politique nouvelle que vantait M. Guizot en 1844, cette politique qui, commencée, inaugurée par les deux cabinets conservateurs de France et d’Angleterre, doit être leur éternel honneur.

J’ai parlé ailleurs de la Grèce, et j’en dois dire ici peu de mots. Nulle part pourtant ne s’est manifestée avec plus d’éclat la puérilité, la vanité de l’entente cordiale, telle qu’on la définissait en 1844, telle qu’on a voulu la pratiquer. L’Angleterre et la France n’ont peut-être pas exactement les mêmes vues sur l’avenir de la Grèce. En présence de l’ambition russe, l’Angleterre et la France ont néanmoins en Grèce un intérêt commun, un intérêt puissant que tout le monde comprend. Le lendemain d’une révolution salutaire, nécessaire, glorieuse, mais qui, détournée de son but, pouvait remettre l’existence même de la Grèce en question, l’Angleterre et la France durent donc s’entendre et s’entendirent en effet. Qu’est-il arrivé néanmoins ? et qu’arrive-t-il en ce moment ? Pendant trois mois à peu près, un ministère a existé qui se composait exclusivement des amis de l’Angleterre et qui allait chercher à l’hôtel de la légation anglaise toutes ses inspirations. Ce ministère, la France l’a soutenu à Athènes comme à Paris avec autant de loyauté que de constance. Depuis neuf mois, un autre ministère existe, dont le chef a vécu long-temps parmi nous et passe pour être aimé de la France. Ce ministère, l’Angleterre le combat et l’injurie à Athènes comme à Londres avec autant de vivacité que de persévérance. Et ce n’est pas seulement par les voies diplomatiques, par les voies régulières, que l’Angleterre depuis neuf mois travaille en Grèce au renversement de l’administration établie. C’est en excitant sans mesure, sans relâche, l’esprit de désordre au dedans, l’esprit de méfiance au dehors. Certaines passions anarchiques, certains mécontentemens individuels, semblent-ils disposés, à Athènes ou dans les provinces, à se traduire en actes de révolte, aussitôt on les caresse, on les fomente, on les exalte, et s’il en résulte quelques troubles, on s’en targue pour crier bien haut que, sous le ministère ami de la France, tout ordre intérieur est impossible. Des brigands turcs ou grecs commettent-ils, comme cela arrive souvent, quelques délits d’un côté ou de l’autre de la frontière, vite on s’empare d’un incident aussi simple, aussi habituel, pour effrayer la Porte, pour mettre en mouvement le corps diplomatique, pour provoquer des réclamations et des mesures qui, si le gouvernement grec ne montrait pas