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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1055

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impressions sinistres du public anglais n’aient pénétré que trop avant dans le cabinet. »

Dans sa dépêche du 28 août, M. de Jarnac déclare enfin très nettement que l’affaire du Maroc et celle de Taïti réunies accréditent partout l’idée qu’une rupture entre les deux pays est à la veille d’éclater. Il déclare que « la guerre, ses conséquences probables, les forces, les ressources, les alliances respectives des deux pays, sont devenues le thème général de la conversation. » Il déclare, en outre, que « les membres les plus influens du cabinet sont vivement émus, qu’un changement complet dans la politique extérieure de la Grande-Bretagne se discute chaque jour, que les partis les plus extrêmes, enfin ceux qui rendraient impossible peut-être le maintien des rapports diplomatiques entre les cours, sont sans cesse passés en revue. » La conclusion, c’est qu’il faut se hâter de tout terminer au Maroc comme à Taïti, si l’on veut empêcher une politique au plus haut point compromettante pour les deux cours de prévaloir dans le conseil. On sait que l’avis porta coup, et qu’aussitôt la dépêche reçue le gouvernement français termina à la fois les affaires de Maroc et de Taïti.

Dans la discussion qui a eu lieu devant la chambre, on s’est vanté, avec un orgueil bien humble, d’avoir osé tirer le canon, en face de Gibraltar, en présence des bâtimens anglais. Cela se comprend, quand on a sous les yeux les dépêches de M. de Jarnac, et qu’on connaît le cœur de ceux qui les ont reçues ; mais ce qui ne se comprend pas, c’est que, de telles dépêches à la main, on vienne encore parler de relations amicales et de bons procédés réciproques entre les deux pays. Je le dis avec douleur, quand de telles injonctions, quand de telles menaces n’auraient rien produit, elles auraient encore, par cela seul qu’elles ont été proférées et transmises, une importance considérable ; mais n’ont-elles rien produit ? Elles ont produit, personne ne peut plus le nier, le déplorable traité auquel un ancien président de la chambre a pu appliquer une si dure qualification. Dernièrement, M. le ministre des affaires étrangères par intérim prétendait que, la majorité de la chambre ayant refusé de blâmer ce traité, il n’y avait plus à s’en occuper. M. le ministre des affaires étrangères par intérim ignore-t-il donc que, dans le gouvernement représentatif, il y a toujours un appel ouvert devant le pays contre les décisions de la chambre ? Ignore-t-il que la chambre elle-même, éclairée par les évènemens, peut revenir sur ses déterminations antérieures ? Or, que disait au mois de janvier dernier l’opposition ? Que, bâclé à la hâte et sans exiger une garantie, sans infliger un châtiment quelconque, le traité