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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1082

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des deux pays sur le triomphe de tel ou tel parti, sur l’existence de tel ou tel cabinet. Tout cela posé, il reste à en tirer la conséquence. Or, la conséquence, selon moi, c’est qu’il est temps d’en finir avec les faux semblans, avec les vaines paroles, avec les illusions de toute sorte. La conséquence, c’est que l’alliance anglaise, si elle doit se rétablir un jour, ne se rétablira qu’à la suite d’une grande entreprise tentée, suivie en commun, avec persévérance et succès. Un orateur qui fait souvent payer cher au ministère l’appui qu’il lui prête, M. de Gasparin, disait, au mois de janvier dernier, que l’alliance anglaise, excellente du reste, avait un seul tort, celui d’être stérile. M. de Gasparin avait raison. L’alliance anglaise, depuis quatre ans, est stérile, entièrement stérile, et c’est là ce qui justifie toutes les attaques de l’opposition. L’opposition a la faiblesse de penser que, si la paix est désirable, ce n’est pourtant pas le premier des biens, et qu’il n’y a ni vérité ni prudence à proclamer bien haut que la guerre coûte toujours plus qu’elle ne rapporte. L’opposition a le malheur de croire, en outre, qu’après les évènemens de 1840, la dignité la plus commune, la prévoyance la plus vulgaire, devaient empêcher qu’on ne se précipitât, comme on a paru le faire, dans l’alliance anglaise, sans condition et sans garantie. Cependant l’opposition, pas plus que la France elle-même, n’est assez folle pour prétendre que le souvenir de 1840 doive être un obstacle éternel à toute association des deux pays dans une œuvre à la fois honorable et salutaire. Que cette œuvre apparaisse, et devant elle tomberont sans contredit toutes les rancunes, toutes les susceptibilités nationales ; mais, pour cela, il faut plus que des mots, plus que des courtoisies interministérielles, plus que de vagues déclarations de tribune. Il faut qu’il y ait quelque noble et grande cause à défendre, quelque intérêt sérieux et considérable à faire prévaloir. Ceux qui aiment, ceux qui désirent l’alliance anglaise, devraient y songer, au lieu de borner leur ambition à replâtrer tant bien que mal de mesquines querelles, et à raviver, tout en les déclarant mortes, de vieilles jalousies. On parle beaucoup, depuis quelques années, de grande et de petite politique. Il y a, en effet, deux politiques qui méritent ces noms. L’histoire dira laquelle des deux est aujourd’hui pratiquée.

Pour ma part, je ne saurais appeler grande politique celle qui, aussi inhabile à prévenir les difficultés qu’à les bien résoudre, vit au jour le jour, sans se souvenir du passé, sans comprendre le présent, sans prévoir l’avenir, celle dont tous les efforts s’épuisent à étayer une situation qui s’écroule, celle enfin qui, comme elle l’avoue elle-même,