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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1090

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REVUE DES DEUX MONDES.

au-dessus de sa tête, Jonas menaça les Ninivites de la vengeance céleste ; c’est là aussi qu’était cette célèbre Ninive, si corrompue et si orgueilleuse, si implacable dans ses haines, si barbare dans ses vengeances ; enfin, c’est bien le sol où le fils de Bélus fonda la ville à laquelle il donna son nom, et qu’il voulut faire la plus grande et la plus belle de toutes les villes. Ces lieux virent Ninus, abdiquant pour cinq jours, céder son sceptre à un caprice de femme, et l’ambitieuse Sémiramis égorger, pour régner seule, l’homme qui l’avait, par amour, élevée au trône d’un grand empire.

En face de ces vestiges que le temps a nivelés, comme il nivelle tout, et de ce monticule qui s’élève seul au-dessus de la plaine, on peut croire qu’on a devant soi les cendres du splendide bûcher de Sardanapale ; car sait-on à laquelle des deux destructions de Ninive rapporter ces ruines ? Cette terre, aujourd’hui si aride et si dépeuplée, une population innombrable et active l’a embellie de ses ouvrages, l’a ébranlée de ses danses joyeuses, sillonnée de ses chars de triomphe, et les Juifs captifs l’ont fécondée de leurs sueurs, arrosée de leurs larmes, sans que Tobie, devenu ministre du grand roi, ait rien pu pour adoucir leur sort. C’est cette contrée jonchée aujourd’hui de débris à perte de vue que Jonas mit trois jours à parcourir, avertissant le peuple de ses péchés, l’exhortant au repentir, et le menaçant de la colère de Dieu. Toute l’histoire de Ninive se déroule à l’aspect de ces lieux désolés : la pompe de ses rois, ses victoires, ses malheurs et sa ruine, dont l’aspect n’a pas changé, comme si Dieu avait voulu en faire un grand exemple pour les générations futures.

L’antiquaire peut donc prendre le tombeau de Jonas ou le village de Neïnivèh pour point de départ de ses investigations, et l’intérieur du périmètre décrit par les longues murailles de terre qui se rattachent aux deux monticules pour le théâtre de ses recherches. Le sol, peu accidenté et de même nature, n’offre aucun point indicateur qui trahisse quelque place intéressante, et on a beau le parcourir en tous sens, on n’y rencontre rien qui attire l’attention ; mais le grand monticule factice, dont les flancs entr’ouverts et crevassés laissent voir çà et là des rangées de briques larges, épaisses, et cimentées avec du bitume, offre plus de chances de découvertes. Des voyageurs, des antiquaires, ont, à différentes époques, fait des recherches dans cette plaine. Tout leur attestait le plan d’un grand édifice, d’une citadelle, d’un temple ou d’un palais ; cependant rien d’entier, rien de complet ne leur permit de déterminer avec assurance ni l’époque, ni l’espèce, ni la construction de ce monument. Personne