Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
1101
VOYAGE ARCHÉOLOGIQUE À NINIVE.

Ninive, attendu que cette ville était à quelques heures seulement des montagnes de l’Arménie, où la pluie et la neige tombent en abondance et rendent l’hiver excessivement humide.

Tout en cherchant donc à prouver l’existence de la voûte dans l’antique Chaldée, je n’ignore pas que j’ai contre moi, sinon des convictions opposées, du moins des doutes qui empêchent de la croire aussi ancienne ; mais je pense, et en cela je suis heureux d’avoir un puissant auxiliaire dans le célèbre M. Quatremère de Quincy[1] ; je pense, dis-je, que les monumens de l’Égypte étant les plus anciens sur lesquels on ait fait des études approfondies, et ces monumens ne présentant pas de voûtes proprement dites conservées jusqu’à nos jours, il ne s’ensuit pas que les Égyptiens aient ignoré l’art de voûter ; à fortiori, on ne peut affirmer que les Chaldéens, dont on n’avait encore jamais entrevu de constructions, n’aient pas connu cette manière de les couvrir. Et si l’on accorde que les Grecs en ont fait usage dans des monumens qui remontent à la plus haute antiquité, tels que le trésor de Ninias à Orchomènes, que décrit Pausanias, ou le tombeau d’Atrée à Mycènes, je ne vois pas pourquoi on se refuserait à croire ce système de combles usité en Assyrie, surtout si je puis donner quelques raisons à l’appui. Il est vrai qu’on ne peut étayer cette opinion d’aucun renseignement historique, quoique Hérodote et Diodore parlent tous deux des jardins suspendus de Sémiramis, auxquels on ne donna cette qualification que parce qu’ils étaient portés par des piliers énormes joints du haut par des arcades en voûtes ; mais si l’on tient compte, et avec quelque raison, de la privation de bois ou de pierres, et de la nécessité d’y suppléer par l’art, ce qui a toujours et dans tous les temps rendu l’homme inventif, on ne sera peut-être pas éloigné de penser qu’au cœur de la Mésopotamie, sur les bords de l’Euphrate, dans une contrée totalement privée de pierres ou de bois propres à la charpenterie, les Babyloniens ont pu imaginer un moyen industrieux d’adapter à la couverture de leurs monumens leur mode de construction en briques ; et si les Babyloniens ont fait usage des voûtes, il est indubitable que les Ninivites s’en sont également servis. Au reste, il me semble que la plus sérieuse objection que l’on pourrait faire pour nier la voûte en Assyrie, objection tirée de l’ignorance où était le peuple de ce pays touchant la coupe des pierres, qui exige en effet des connaissances avancées en architecture ; il me semble, dis-je, que cette objection tombe d’elle-même,

  1. Dictionnaire historique d’Architecture.