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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1143

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Beck avait donné seulement, en 1841, une tragédie de Saül, qui est moins un drame qu’une belle étude lyrique d’après la Bible ; nous aurons occasion d’y revenir en parlant du théâtre actuel de l’Allemagne et de tous les efforts que fait la jeune école pour relever la scène de Schiller. Enfin, l’année dernière, parut un poème nouveau, la Résurrection, poème politique, disait-on, lu avec beaucoup de succès dans plusieurs villes de Prusse à un auditoire sympathique, contrarié quelque temps par la censure de Berlin, et publié seulement après les retranchemens obligés. J’ai lu avec une vive curiosité cette œuvre nouvelle du jeune poète ; on vantait partout l’élévation du sujet et l’art d’une composition savante ; il me tardait d’apprendre si l’auteur des Nuits avait enfin résolu, comme on l’annonçait, le difficile problème de la poésie politique, et si, échappant aux déclamations du journal, il avait conduit la Muse sur les hauteurs.

Le poème de M. Beck est très court ; c’est un hymne, une scène poétique de quelques pages ; l’auteur l’a publié avec ses œuvres précédentes qui paraissent réunies en un seul volume ; la Résurrection forme en quelque sorte une conclusion, un couronnement, qui résume assez bien, en effet, les qualités et les défauts de l’auteur. Mais ce n’est pas la seule nouveauté que renferme le recueil complet de M. Beck : à la suite des deux poèmes que nous avons jugés tout à l’heure, l’auteur a placé toute une série de gracieuses mélodies et de ballades éclatantes où se révèle un côté nouveau de son talent. Ce sont de petites pièces élégantes, fines, pleines de douceur et de mélancolie, qu’on peut rattacher à l’école charmante des poètes souabes. Si M. Beck ne se croyait pas appelé à des destinées plus graves, il pourrait un jour prendre une place honorable dans ce groupe aimé. A la fraîcheur délicate, à la tendresse naïve de la pensée, s’ajoute encore chez lui quelque chose de sauvage et de fier qui rappelle le poète hongrois. Ce serait là sa marque originale, son signe distinctif dans l’assemblée des gracieux trouvères. L’école des maîtres souabes aurait un allié dans ce chantre de Hongrie, et les échos du Danube renverraient des notes sonores aux coteaux du Necker. Après ces douces chansons, que l’auteur appelle chansons tranquilles (Stille Lieder), voici de belles ballades, des mélodies hongroises, qui rappellent tantôt la manière d’Uhland, tantôt les compositions dramatiques de M. Freiligrath. Ce ne sont pas cependant les calmes sujets familiers au poète charmant qui a chanté la fille de l’orfèvre. Uhland a célébré et mis en lumière toute l’existence allemande dans sa chère contrée ; comme dans la libre vie du moyen-âge germanique, où toutes les