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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/215

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l’entrée dans le cabinet. On a aussi prétendu que, prévoyant le peu de durée d’une combinaison composée d’élémens hétérogènes, il s’était peu soucié d’y compromettre son avenir.

Ce ministère devait pourtant signaler sa courte existence par des actes mémorables. Des démarches furent faites pour préparer les négociations qui devaient amener la paix avec les colonies et les puissances coalisées. L’Irlande, violemment agitée depuis plusieurs années, et qui, par l’organisation spontanée de ses volontaires, était parvenue, au milieu des embarras de la guerre, à se rendre de fait presque indépendante, obtint la reconnaissance formelle de la souveraineté de son parlement, jusqu’alors soumis à la suprématie de celui de la Grande-Bretagne. Un bill préparé par Burke, en supprimant plusieurs sinécures et en réduisant les appointemens exorbitans d’une multitude d’emplois peu utiles, restreignit en réalité les abus du patronage, et, par là même, renferma dans de plus étroites limites l’influence de la prérogative royale. Des mesures furent prises pour empêcher la liste civile de contracter, comme par le passé, des dettes que le trésor public était toujours obligé d’acquitter. Afin de mieux garantir la pureté du parlement et celle des élections, on déclara qu’aucun individu engagé dans un marché avec le gouvernement ne pourrait siéger aux communes, et on priva de la franchise électorale les préposés à la perception des impôts. Un bourg, convaincu d’avoir vendu ses suffrages, fut, à titre de châtiment, dépouillé du droit d’envoyer des représentans au parlement, ce qui n’avait pas encore eu lieu jusqu’alors. Enfin les célèbres résolutions par lesquelles, près de vingt ans auparavant, Wilkes avait été expulsé de la chambre, résolutions que les amis de la liberté n’avaient cessé de flétrir comme un odieux attentat, furent rayées des registres en vertu d’un vote solennel.

Tout cela s’était fait en quatre mois, sans difficulté, presque sans résistance. Il y avait sans doute des mécontens, il n’y avait pas encore d’opposition organisée. Pitt, sans se confondre avec les partisans du ministère, paraissait pourtant suivre la voie où marchait le cabinet. C’est alors qu’il exprima pour la première fois la pensée d’une réforme électorale. Le jour où il développa la motion qu’il avait présentée à cet effet, le public, impatient de l’entendre, se porta à la chambre des communes avec un tel empressement, que beaucoup de journalistes ne purent y trouver place. Dans un discours où les doctrines absolues et l’exagération juvénile forment un étrange contraste avec les id que réveille le nom de l’orateur, il posa en axiome que tout état libre, pour maintenir la liberté et la vigueur de sa constitution,