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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/259

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de l’ère chrétienne, l’apôtre saint Paul, jeté par une tempête sur les rochers de Malte, prêcha la religion aux habitans, et, s’il faut s’en rapporter à plusieurs historiens, il les convertit. Cela nous paraît au moins fort discutable. Comment croire, en effet, que les Romains, qui ne reconnurent la religion chrétienne que vers l’an 325, aient pu laisser à leurs sujets de Malte la liberté d’embrasser une foi réprouvée ? et, cela fût-il possible, comment admettre que les autels aient pu rester debout sous la tyrannie des Vandales, des Goths et des Arabes, qui succédèrent aux Romains ? Les catacombes qui existent encore à Cita-Vecchia pourraient cependant donner à penser que sous toutes ces dominations, des chrétiens se livraient en secret aux pratiques de la religion. La question est difficile, on le voit, des volumes entiers ne l’ont pas éclaircie, et comme nous n’avons pas la prétention de la résoudre en quelques pages, nous nous abstiendrons de la discuter. Malte, après, avoir successivement passé sous le joug des Vandales et des Goths, fut conquise par Bélisaire, et tomba en 833 au pouvoir des Sarrazins.

Deux cent vingt ans plus tard, les douze fils de Tancrède, seigneurs de Haute-Ville, en revenant de la Terre-Sainte, chassèrent les Grecs et les Arabes de l’Italie méridionale, de la Sicile, et Malte, annexée à la Sicile, fut réunie à la couronne de Roger, le plus jeune d’entre eux. Henri VI, en 1194, prend aux Normands Malte et la Sicile, et la bataille de Benevent (1226) livre à Charles d’Anjou sa conquête avec le royaume de Naples. Le 30 mars 1283 les vêpres siciliennes mettent fin à la domination française en Sicile, et Pierre d’Aragon la soumet avec Malte, pour deux cent quarante-six ans, à l’Espagne. Jusqu’à cette époque, on le voit, le sort de Malte dépendait du sort de la Sicile ; ce fut en 1526 seulement que les deux îles s’isolèrent, et que commença pour Malte cette ère d’indépendance et de gloire qui rendit le nom de ce rocher un des plus mémorables qui soient sur terre. En 1526, les chevaliers s’y établirent.

Un des jours les plus féconds du moyen-âge fut assurément celui où un pauvre marchand, né dans l’île de Martigue, sur la côte de Provence, Gérard Thom ou Tenque ou Tunk, fonda à Jérusalem l’ordre des Hospitaliers. Cette fondation répondait admirablement aux besoins de l’époque, ou, mieux encore, elle en était le résultat inévitable. Deux passions puissantes et contraires, que dévoile merveilleusement l’histoire des ordres religieux, se partageaient le moyen-âge. En ces jours d’exaltation et de sève, où l’on poussait tout à l’extrême, les réactions étaient fortes et fréquentes. Au besoin d’action succédait