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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/313

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faible addition au tarif d’entrée. Le commerce des bestiaux se fit dès-lors en toute liberté pour les prix et les termes du paiement. Après une expérience de trois années, le ministre honnête homme eut la douleur de reconnaître que le prix de la viande n’avait pas baissé à Paris, et que la réforme n’avait profité qu’aux riches spéculateurs. Rétablie en 1779, supprimée en 1791 par l’assemblée constituante, la caisse de Poissy fut définitivement réhabilitée par Napoléon. En fonction depuis 1811, elle roule sur un capital de 1,503,000 francs fournis par les cautionnemens des 501 bouchers de Paris. Elle avance l’argent nécessaire à toutes les transactions moyennant un droit proportionnel d’escompte sur la somme déboursée, et un droit fixe sur le bétail vendu, ainsi échelonné : 10 francs par bœuf, 6 francs par vache, 2 francs 40 centimes par veau, 70 centimes par mouton. Le fait de la diminution des ressources alimentaires à Paris est tristement confirmé par le relevé des opérations de la caisse de Poissy. Dès son origine, c’est-à-dire pendant les cinq dernières années de la période impériale, elle produit en moyenne 1,574,244 francs. En 1843, avec une population augmentée d’un tiers au moins, elle ne donne plus que 1,373,337 francs. La diminution au préjudice de notre époque est de 59 pour 100.

La construction des abattoirs publics fut une idée digne du génie administratif de Napoléon. Jusqu’en 1818, chaque boucher tuait et préparait chez lui les bestiaux destinés à la vente. Le séjour de ces animaux dans les quartiers les plus fréquentés, leurs accès de furie, des mares sanglantes dans les rues, la fonte des graisses à domicile, rendaient le voisinage d’une boucherie aussi dangereux que nauséabond. En sept ans (1811-18), cinq abattoirs furent construits vers les limites extrêmes de Paris. Moyennant un sacrifice de 18 millions, tant pour l’acquisition des terrains que pour les constructions, on a ennobli, par une sorte d’importance monumentale, des lieux destinés à un vil usage. La surface totale des cinq abattoirs est de 165,235 mètres, dont 43,967 en bâtimens, pavés à l’intérieur, entourés d’arbres et convenablement isolés. L’eau, servie par des machines à vapeur et des manèges, circule abondamment dans les étables immenses, dans ces tueries où l’on a abattu, pendant l’avant-dernière année, 613,000 animaux, dans 8 triperies, 28 fondoirs et 240 échaudoirs. Ce service, dont les revenus décroissent depuis vingt ans, proportionnellement à ceux de la caisse de Poissy, rapporte aujourd’hui 1,092,429 francs, somme qui, déduction faite des frais d’exploitation, excède à peine l’intérêt du capital avancé par la ville.