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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/331

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mais s’est-on demandé où se réfugieront les classes ouvrières quand on aura renversé les tristes réduits où elles s’entassent ? La difficulté de se loger devient la plus grave de toutes pour les pauvres familles. L’hospitalité gratuite est un genre de charité qui s’éteint ; les yeux accoutumés au luxe sont trop offusqués du voisinage de la misère. On comptait, il y a quinze ans, 6,284 ménages logés gratuitement ; au dernier recensement, on n’en a plus trouvé que 3,003. C’est que les anciennes masures disparaissent, et qu’à leur place s’élèvent de belles maisons dont on veut utiliser toutes les parties. Il faut pourtant que les pauvres trouvent à s’abriter. Ne serait-il pas digne de notre conseil municipal d’essayer à Paris ce que de simples particuliers font à Londres ? Par les soins du respectable lord Ashley, on construit de vastes bâtimens disposés pour recevoir vingt ménages et trente personnes seules, sur un plan qui promet aux locataires des économies de chauffage, de lavage et même d’ameublement. Comme il est démontré que la misérable demeure de l’ouvrier coûte plus cher relativement que le salon du riche, l’entreprise, loin d’être dispendieuse, pourrait presque devenir une spéculation. On compte à Paris 24,000 ménages comprenant 60,000 personnes qui paient en loyers 2,400,000 francs. Cette somme, à raison de 4 pour cent, représente donc un capital de 60 millions qu’on placerait d’une manière utile en bâtimens appropriés aux besoins et aux mœurs de la classe ouvrière. Les magistrats qui se dévoueraient de cœur à ces humbles constructions laisseraient un souvenir plus honoré et plus durable qu’en attachant leurs noms aux plus fastueux monumens.


A. COCHUT.