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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/417

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Pondichéry l’arrêt qui cassait la capitulation de Madras. Trop politique, connaissant trop bien l’esprit mobile de la compagnie des Indes pour se hâter d’obéir à ses ordres, il ne rendit pas la ville au nabab Anaverdykan, et prolongea la négociation pour gagner du temps. Le nabab, impatient et irrité, vint mettre le siége devant Madras ; il fut repoussé. La possession de cette place rendait Dupleix maître de la côte de Coromandel : la défaite du nabab avait suffisamment compensé un double échec du gouverneur français devant Gondelour ; mais bientôt il eut à combattre toutes les forces de l’Angleterre. L’amiral Boscawen en était parti, vers la fin de 1747, à la tête de neuf vaisseaux de la marine royale et de onze vaisseaux de la compagnie britannique, portant quatorze cents hommes de troupes. Chargé de prendre en passant l’Ile de France ou Bourbon, Boscawen avait échoué dans cette entreprise ; mais, ayant opéré sa jonction avec Griffin, les deux escadres réunies, qui ne comptaient pas moins de trente vaisseaux, vinrent montrer dans la mer des Indes la force navale la plus formidable que la Grande-Bretagne y eût jamais envoyée. Le péril était grand pour nous ; par bonheur l’amiral Boscawen, bon marin, mais général très ignorant des localités, résolut d’attaquer Pondichéry par terre, se sépara d’une partie de son escadre qui devait le rejoindre par mer, et, avant d’aller plus loin, se mit à investir le fort d’Ariancoupang, situé sur la route de Pondichéry, et occupé par les Français. De braves officiers s’y étaient enfermés pour arrêter l’armée anglaise ; c’étaient Latouche, Laborderie, le comte d’Auteuil, le chevalier Law, neveu du célèbre financier, et avant tous, Paradis, ingénieur d’un rare savoir et militaire d’une éclatante bravoure. Les Anglais perdirent beaucoup de temps devant le fort ; même ils auraient été obligés de lever le siége, sans un accident qui nous força d’évacuer Ariancoupang. Un vaillant chevalier, un vrai paladin de la Table-Ronde, Bussy-Castelnau, dont le nom reparaîtra souvent dans ce récit, avait fait une sortie, était tombé à l’improviste sur les Anglais, et leur avait enlevé quelques prisonniers. Il rentrait dans le fort en y menant sa capture ; on s’y livrait à la joie de la victoire, lorsqu’un boulet ennemi donna dans des chariots remplis de poudre et les fit voler en l’air avec quarante-six hommes.

Un jeune officier nommé Passy et d’autres militaires distingués y perdirent la vie ; beaucoup d’autres furent brûlés et défigurés. A la vue des mutilés et des morts, la stupeur s’empara de la garnison. Un autre officier, Puymorin, ne perdit pas la tête : pour dérober aux Anglais la connaissance de cet accident, il fit redoubler le feu de la place ; mais il n’y eut pas moyen de s’opposer au découragement général.