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aux anciens rois du pays. Les prêtres osèrent s’opposer à cette prétention, qui aurait dû les flatter ; ils osèrent donner pour raison « que Darius n’avait pas encore fait autant de belles actions que Sésostris, et qu’il n’était pas juste de mettre devant la statue de ce roi celle d’un prince qui ne l’avait point surpassé par ses exploits. « On dit, ajoute Hérodote, que Darius pardonna aux prêtres cette sévère remontrance.

A l’appui du récit de Diodore, on peut citer une observation faite par Champollion, Rosellini et sir G. Wilkinson : c’est que Darius est le seul roi de Perse dont le nom hiéroglyphique sur les monumens égyptiens soit accompagné du prénom divin, comme ceux des anciens Pharaons, et plus tard ceux des Ptolémées et des empereurs[1].

En preuve de la protection dont il environna la religion égyptienne, comme le disent les historiens, on peut citer le grand temple d’ElKhargeh, dans la Grande-Oasis, qui ne porte dans toutes ses parties conservées qu’un seul nom royal, celui de Darius ; d’où il faut conclure que ce temple, s’il n’a pas été commencé sous le règne de ce prince, comme le croit M. Hoskins[2], a du moins été complété et décoré par ses ordres. Ceci annonce, en outre, que l’Oasis avait attiré de bonne heure son attention, et qu’elle reçut peut-être à cette époque une colonie composée à la fois d’Égyptiens et de Samiens de la tribu AEschrionie, qui la possédaient lors du voyage d’Hérodote.

Un bas-relief remarquable de ce même temple représente Darius portant le costume religieux des anciens rois égyptiens, et faisant une offrande au dieu Ammon-Ra, et certes, sans le double nom qui se lit au-devant de sa tête, selon l’usage, on croirait voir un de ces Pharaons si souvent figurés en semblables costume et attitude sur des monumens sacrés[3]. Cette conduite politique fut continuée pendant tout le règne de Darius ; mais ce prince, qui, à ce qu’il semble, ne revint plus en Égypte, après l’avoir quittée une première fois, la fit administrer, comme les autres satrapies, par des gouverneurs qui probablement ne se contentaient pas du tribut modéré qu’il avait imposé au pays. L’Égypte cependant resta tranquille pendant ce long règne, et ne se souleva que la dernière année.

Xerxès la soumit avant de passer en Grèce. Il appesantit ses chaînes, t lui donna pour gouverneur son propre frère Achaeménès, ce qui montre l’importance qu’il attachait à la possession tranquille du pays. L’Égypte fournit alors deux cents vaisseaux à son armée, et ce fut

  1. Rosellini, II, 185.- Wikinson, Manners and Customs, t. I, p. 199.
  2. Visit to the Great-Oasis, p. 101.
  3. Dans l’Égypte de M. Champollion-Figeac, pl. 87, p. 380. (Univ. Pittoresque.)