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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/538

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cours de la dernière session, il avait, à cet effet, saisi le parlement d’un bill que la coalition avait rejeté. On eût pu croire qu’assuré maintenant de la majorité, il reproduirait le même projet ; il n’en fut pas ainsi. Soit que, pour se créer des partisans dans un moment difficile, il eût d’abord trop ménagé les préjugés et les intérêts de la compagnie, soit que plus d’expérience et de réflexion l’eût convaincu de l’insuffisance du système qu’il avait précédemment conçu, le bill qu’il apporta à la nouvelle chambre des communes était, en réalité, une transaction entre ses idées premières et celles de Fox. Laissant à la compagnie la direction absolue des affaires commerciales, il transférait au gouvernement la suprématie politique par l’extension qu’il donnait aux pouvoirs du bureau de contrôle, qui, dans les cas urgeras, était autorisé à envoyer des ordres directs aux autorités de l’Indostan, sans se concerter même avec les directeurs. C’était là le trait saillant du nouveau projet ; les autres dispositions étaient presque toutes empruntées aux projets antérieurs de Fox et de Pitt.

Le ministre qui naguère reprochait à Fox avec tant de véhémence d’avoir tenté d’usurper les droits de la compagnie, voulant se mettre à l’abri d’une pareille imputation, avait eu soin de s’assurer l’assentiment de cette corporation, dont il avait gagné la bienveillance en faisant voter quelques dispositions financières très favorables à ses intérêts. Il se prévalut de cet assentiment dans un exposé très lucide et très habile, par lequel il s’attacha à démontrer qu’il n’y avait aucune analogie entre son nouveau plan et l’œuvre du ministère de coalition, que, dans l’obligation de créer un pouvoir nouveau pour remédier à des abus invétérés, il l’avait placé là où il devait entraîner le moins d’inconvéniens, et l’avait renfermé strictement dans les limites nécessaires pour qu’il pût atteindre le but indiqué, enfin que les privilèges et les droits légaux qu’il avait fallu modifier n’avaient été restreints qu’autant que la nécessité publique l’avait absolument exigé. Cette argumentation fut vivement combattue par Fox et par ses amis, qui prétendirent que le nouveau bill, œuvre d’hypocrisie et de faiblesse, inspiré par la seule préoccupation de soustraire le ministre au juste reproche de se mettre en contradiction avec lui-même, réunissait tous les inconvéniens des systèmes contraires qu’on avait essayé de concilier, sans avoir aucun de leurs avantages. Sévère et rigoureux dans quelques-unes de ses dispositions, il serait inefficace, disaient-ils, dans son ensemble, et augmenterait même à certains égards l’état de désordre auquel on prétendait remédier. Pitt réfuta ces objections spécieuses par des raisons puisées dans la nécessité