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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/551

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marché supérieur à ce qu’on avait pu espérer. En France, le souvenir de cette convention est demeuré comme un épouvantail, comme un préjugé national qui empêchera long-temps le renouvellement d’une semblable tentative. Chez nos voisins, au contraire, ce traité constitue un des titres principaux de la popularité de Pitt, un de ceux que personne n’essaie de contester.

Il ne faut pas croire cependant qu’au moment où il fut conclu, la question fût universellement jugée, en Angleterre, de ce point de vue. Les doctrines du système prohibitif y étaient alors en faveur, l’opposition les professait hautement. Au commencement de la session suivante, qui s’ouvrit le 23 janvier 1787, l’esprit et les bases du traité devinrent, dans la chambre des communes, l’objet de plusieurs délibérations successives. Fox, sans négliger les considérations relatives aux intérêts matériels, le combattit surtout par des raisons tirées de l’hostilité naturelle qu’il supposait être la condition nécessaire des rapports de deux états placés dans les circonstances où la France et l’Angleterre se trouvaient l’une à l’égard de l’autre. Une surveillance jalouse de la politique française pouvait seule, suivant lui, garantir la sûreté de la Grande-Bretagne, dont la destinée était de servir de contrepoids à sa puissante voisine dans l’organisation européenne, et toute combinaison qui tendait à endormir cette surveillance en créant des relations plus intimes entre les deux peuples lui paraissait éminemment dangereuse. Il dénonça, comme autant de preuves de cette inimitié permanente, les mesures prises par le gouvernement français pour fortifier sa marine et pour contrarier sur tous les points les négociations du cabinet de Londres. Cherchant, dans les exemples du passé, des appuis pour son argumentation, il s’efforça de démontrer qu’alors même que le cabinet de Versailles avait paru modifier sa marche et ses tendances, son seul but avait été de tromper le gouvernement britannique, de le détourner de ses alliances, de l’enchaîner par le lien des intérêts commerciaux et financiers au point de lui ôter toute liberté d’action. Il voua enfin à la malédiction publique les hommes assez oublieux de la grandeur de leur pays, assez profondément plongés dans le sentiment décourageant de leur propre bassesse pour vouloir que l’Angleterre, déchue de son ancienne splendeur, affaiblie, humiliée par des pertes toutes récentes, s’empressât, à la première occasion, de contracter une liaison intime avec l’orgueilleux voisin qui les lui avait infligées.

Les autres chefs de l’opposition ne furent pas moins contraires que Fox au traité conclu avec la France. Francis exprima la crainte que