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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/569

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obscure et méprisable, qui voulait rétablir le droit divin, non plus, comme au temps des Stuarts, au profit d’une dynastie, mais au profit d’un ministère, et dégrader, mettre hors la loi, déclarer indignes de la confiance du pays le prince de Galles aussi bien que tous les princes de la maison de Hanovre. Irrité des rires dédaigneux que ces paroles insensées provoquaient sur les bancs de la majorité, il s’oublia jusqu’à accuser la chambre de commettre elle-même, par ses votes, des actes de trahison dont l’Angleterre lui demanderait compte un jour. Il attaqua en termes injurieux la bonne foi d’un médecin qui avait déclaré vraisemblable la prochaine guérison du roi. Sous prétexte de faire apprécier les nécessités de la situation, il écarta le voile respectueux que les autres orateurs évitaient de soulever dans leurs allusions à l’état de la santé du monarque ; il sembla se complaire à en parler sans circonlocution, sans réticence, avec une sombre et triste éloquence qui porta dans l’ame des adorateurs de la monarchie un sentiment d’effroi et de douleur. Voulant convaincre la chambre des périls auxquels on s’exposerait en ne prenant pas des garanties suffisantes pour s’assurer, lorsqu’il y aurait lieu, de la réalité du rétablissement du roi et de son aptitude à reprendre le gouvernement, il cita de nombreux exemples d’affreuses violences commises par des fous qu’on avait cru guéris et qu’on avait trop facilement rendus à la liberté. Des murmures, des cris d’horreur, interrompirent à plusieurs reprises ces étranges écarts de l’homme qui, quelques mois plus tard, devait devenir le champion le plus outré de la cause monarchique. Du côté des amis du ministère, le débat ne se renferma pas toujours non plus dans les bornes de la modération. On reproduisit les insinuations de l’année précédente sur un mariage secret du prince de Galles avec une catholique, par lequel il aurait compromis ses droits à la couronne et à la régence. Au milieu de ces exagérations réciproques, Pitt, repoussant avec une hauteur méprisante les injures et les menaces de ses ennemis, contenant le zèle excessif de ses partisans, toujours aussi calme, aussi ferme que si le vote qu’on allait émettre n’eût pas dû, suivant toute apparence, être le signal de sa chute et de l’avènement de l’opposition, Pitt repoussa successivement, avec autant de lucidité que de présence d’esprit, tous les amendemens proposés pour modifier le bill. Ils furent tous écartés, à l’exception d’un seul, auquel il donna son assentiment, et qui limita à trois ans l’interdiction faite au régent de créer des pairs. Le bill fut envoyé le lendemain à la chambre des lords. La discussion qui s’y engagea paraissait devoir se prolonger beaucoup encore, lorsque le chancelier vint annoncer que l’état du roi