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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/575

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l’appui de cette motion, il déploya toutes les ressources de son éloquence. Partant de ce fait, que la seule justification alléguée en faveur des exclusions politiques pour cause religieuse, c’est l’hostilité présumée de certaines sectes contre le gouvernement établi, il fit vivement ressortir l’iniquité de cette présomption indirecte démentie par les affirmations de ceux qu’elle frappait. Pitt, comme il l’avait déjà fait dans une autre circonstance, répondit à ces raisonnemens par de sophistiques distinctions entre la liberté religieuse et l’égale jouissance des droits civiques ; il allégua la nécessité de protéger efficacement l’église établie, dont le maintien était politiquement et moralement utile à l’Angleterre ; il se plaignit des exigences toujours croissantes des dissidens, dont le culte avait été affranchi quelques années auparavant des dernières entraves qui en gênaient encore l’exercice ; il leur reprocha d’avoir formé des associations pour violenter en quelque sorte la conscience de la chambre en exigeant de tout candidat la promesse de voter en leur faveur. Burke n’hésita pas à dire que, dix ans plus tôt, il eût probablement secondé la motion de Fox, mais qu’il croyait devoir la repousser, maintenant qu’il la voyait appuyée par des hommes malintentionnés dont les motifs n’avaient rien de religieux ; il signala à l’indignation publique certains écrits et certains discours des dissidens, dans lesquels l’église anglicane et la royauté étaient ouvertement attaquées ; il protesta énergiquement contre le nouveau système, qui tendait à fonder sur des théories abstraites les institutions civiles et les droits qui en découlent. Une majorité de 294 voix contre 105 adhéra aux principes éloquemment exposés par ces deux grands hommes d’état, et, en écartant une proposition qui, l’année précédente, avait presque également partagé la chambre, attesta d’une manière non équivoque la réaction déjà commencée dans les esprits contre toute pensée d’innovation.

Cette réaction se manifesta encore par l’accueil fait à un plan de réforme électorale que présenta un député appelé Hood. Ce député avait parlé du devoir d’assurer une représentation effective à la majorité du peuple. Windham, ami et disciple de Burke, combattit chaleureusement une doctrine qui mettait en question la légitimité et les pouvoirs du parlement. Sans nier la possibilité d’en améliorer l’organisation, il repoussa avec effroi la pensée d’entreprendre une œuvre aussi périlleuse au moment où des spéculateurs visionnaires bouleversaient un pays voisin, et de travailler ainsi au milieu de l’ouragan à réparer l’édifice social. Pitt, donnant un plein assentiment à ces vues si prudentes, rappela qu’il avait lui-même, dans d’autres temps, proposé