Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/607

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et surtout en Angleterre ses doctrines destructives et à saper les pouvoirs établis, prononçant sous de vains prétextes la réunion à son territoire des pays conquis, après avoir proclamé à la face du monde sa renonciation à toute conquête, ouvrant l’Escaut contrairement aux traités européens, et ne présentant pour sa défense que des allégations démenties par les faits. Il déclara positivement que la paix ne pourrait être conservée, si la France persistait dans une telle manière d’agir. Il ne cacha pas qu’il avait à cet égard peu d’espoir, et que la guerre lui paraissait préférable à une paix sans honneur et sans sécurité. Il proposa enfin de répondre au message du roi par une adresse qui attesterait à la fois l’horreur de la chambre pour le crime commis à Paris et sa volonté de concourir à l’accroissement des forces nationales dans le dessein de résister aux vues agressives de la France. Fox osa encore soutenir que rien ne rendait la guerre nécessaire, qu’on pouvait, qu’on devait l’éviter, tout en se tenant en mesure de fournir à la Hollande, s’il y avait lieu, les secours stipulés par les traités. Non moins véhément que Pitt dans la manifestation de l’horreur que lui inspirait le meurtre de Louis XVI, il combattit d’ailleurs, avec beaucoup d’audace et de force, les principes professés depuis quelque temps par Burke et ses adhérens sur l’inviolabilité absolue du pouvoir royal. Il revendiqua en faveur des peuples le droit de changer la forme de leurs gouvernemens et de déposer leurs chefs, lorsque, comme Jacques II, ils méritaient par leur conduite la perte de leur puissance. En réponse à cette profession de foi presque républicaine, Windham nia hardiment le dogme de la souveraineté du peuple. L’adresse fut votée sans division.

Le message royal était une déclaration d’hostilité jetée à la France, bien que le cabinet ne voulût pas en convenir, et qu’en renvoyant Chauvelin et Maret il eût même proposé de suivre les négociations indirectes qui s’étaient engagées entre l’ambassadeur britannique en Hollande et le général Dumouriez. La convention ne voulut pas prolonger des pourparlers qui n’avaient plus rien de sérieux, et, cédant enfin aux passions emportées que la prudence de quelques hommes avait eu jusqu’alors tant de peine à contenir, elle déclara formellement la guerre à l’Angleterre et à la Hollande, le jour même où la chambre des communes votait son adresse. Quelques semaines après, la convention lança une déclaration semblable contre l’Espagne, et les trois quarts de l’Europe furent livrés à la guerre la plus gigantesque qu’on ait vue depuis le temps des barbares.


L. DE VIEL-CASTEL.