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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/659

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Il ne cessa point, à diverses reprises, et malgré les interruptions de Fauriel qui était plus prompt à servir ses amis qu’à leur écrire, de lui faire part de ses travaux, de le consulter en mainte occasion et de recourir à ses lumières. Chaque fois qu’il revenait après des années à son grand ouvrage, c’était à Fauriel bien vite qu’il s’adressait pour se remettre au courant de la science et apprendre de lui ce qui, dans l’intervalle, avait paru tant en Allemagne qu’en Angleterre sur l’inde et sur Buddba. En 1809, lorsqu’il publia son imitation de WaIstein, il réclama et reçut de lui des observations détaillées pour en faire sonprofit en vue d’une seconde édition ; c’était le moment même ou Fauriel allait publier de son côté sa traduction de la Parthénéide de Baggesen. On en a assez pour bien voir déjà comment tous deux furent précurseurs en littérature dès les années de l’Empire, et Fauriel tout aussi précoce que Constant.

Avant de nous engager dans la succession des travaux qui font de notre auteur un des maîtres les plus originaux du temps présent, un de ceux qui ont avancé d’au moins vingt ans sur les idées courantes et, à vrai dire, le premier critique français qui soit sorti de chez soi, nous avons à noter encore quelques essais qu’on n’est guère disposé à attendre de sa plume, et qui le montrent s’occupant simplement de la littérature nationale et domestique, comme on pouvait le faire à cette date. Les petites notices anonymes qui se lisent en tête des poésies de Chaulieu et de La Fare dans les stéréotypes d’Herhan, et qui parurent en 1803, sont de Fauriel. Il y a loin d’une appréciation de Chaulieu au recueil des chants grecs populaires ; pourtant, même dans ce petit nombre de pages sur une matière qui peut sembler si légère, on devine un esprit qui en tout va droit aux choses et sait naturellement s’affranchir du lieu-commun et des formules convenues. Les quelques ligues finales de la notice sur Chaulieu portent avec elles ce cachet de pensée qui, simple et peu saillant aux yeux, équivaut néanmoins déjà à une signature.


« On a comparé Chaulieu, dit-il, tantôt à Horace, tantôt à Anacréon. Heureusement, il n’est pas nécessaire, pour sa gloire, que ces comparaisons soient justes. Ce n’est pas qu’il n’y ait quelque analogie entre ces trois poètes, mais elle existe beaucoup plus dans le sujet général de leurs vers que dans le caractère de leur talent. On a trop souvent jugé Anacréon d’après des traductions qui ne permettent pas même de soupçonner la grace parfaite, l’originalité piquante, l’inimitable légèreté de son style. Quant à Horace, il est peut-être plus difficile encore d’être son semblable que son égal, et Chaulieu n’a été ni l’un ni l’autre. »