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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/680

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Lorsqu’après des années on mettait Fauriel sur le compte de la Parthénéide et sur ce que la fable de Baggesen avait d’étrange, de bizarre même et de difficilement admissible pour l’imagination, il en convenait volontiers, mais il ajoutait : « Le premier il m’a donné le sentiment des Alpes. »

Le succès de cette publication ne laissa pas d’être assez vif dans le public d’élite auquel s’adressait le traducteur. On vient de voir ce qu’en a dit Ginguené. Quelques Italiens surtout se montrèrent charmés de cette poésie du Nord qui se présentait, cette fois, si brillante, si nette de contours et si fraîchement dessinée. Charles Botta écrivait de Paris à Fauriel qui jouissait du lendemain de son idylle aux champs :


« 6 juin 1810. J’ai été très occupé, malade, et par-dessus tout cela bien inquiété par des tracasseries de ce bas monde. Heureusement que je me réfugiais avec M. Baggesen et vous sur le Mont de la Vierge, et là, oubliant tous les soucis terrestres, j’éprouvais un bonheur inespéré et pour ainsi dire céleste. C’est pour le coup que je crois aux affinités : vous avez rencontré des beautés pures et presque angéliques, vous avez été attiré vers elles, vous les avez saisies, vous en avez été pénétré et nous les avez rendues avec le ton et le style qui leur conviennent. Que vous êtes heureux d’avoir conservé intacte, et j’allais presque dire rugiadosa, cette fleur de l’imagination[1]. »


Monti, en retour de la Parthénéide, envoyait de Milan à Fauriel le second volume de son Iliade, et lui faisait demander son jugement de connaisseur expert en toscan. Manzoni enfin, qui avait passé avec sa mère plusieurs saisons en France dans l’intimité de Fauriel et des hôtes de la Maisonnette, l’aimable Manzoni, réinstallé à Milan, adressait A Parténéide une pièce de vers allégoriques dans le genre de son Urania, et il semblait se promettre de faire en italien ou une traduction ou quelque poème analogue sur ses montagnes. Voici un passage dans lequel il exprime l’impression vive qu’il ressentit lorsque la belle Vierge lui fut présentée par son second guide, par ce cher Fauriel, qui la lui amenait par la main. Manzoni nous pardonnera d’arracher à l’oubli ces quelques vers de sa jeunesse, ce premier jet

  1. Rugiadosa, tout humide de rosée. — Botta aimait à revenir avec Fauriel aux pures sources de la langue italienne, à ressaisir l’idiome dans sa saveur inaltérée : il avait l’aversion philologique de l’italien francisé, comme autrefois Henri Estienne pouvait l’avoir du Français italianisé. Il consultait de plus Fauriel sur ses histoires, sur ses poèmes, sur ses divers travaux : on trouverait dans les Annales encyclopédiques de Millin (année 1817, t. IV, p. 353, et t. V, p. 106) des articles de Fauriel sur le poème épique : il Camillo, de Botta.