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Pascal trouva que celui qui avait gagné une seule partie ne devait recevoir que seize pistoles, et que les quarante-huit autres revenaient à celui qui avait déjà deux parties ; et, comme il ne connaissait personne à Paris qui pût résoudre des questions de cette nature, il proposa ce problème à Fermat, qui trouva immédiatement une solution générale contre laquelle Pascal fit d’abord différentes objections, mais dont il dut plus tard reconnaître l’exactitude. C’est ainsi que Fermat s’associa, dès l’origine, à l’établissement de la théorie analytique des probabilités, science dont l’auteur de la Mécanique céleste a placé la découverte parmi les plus remarquables qu’ait enfantées le XVIIe siècle, et qui, cultivée de tout temps avec prédilection par les plus célèbres géomètres français, a fait de nos jours de notables progrès par les efforts de Laplace et de Poisson. Il serait à désirer que les principes philosophiques du calcul des probabilités fussent plus répandus et mieux appréciés dans la société. Lorsqu’on les applique surtout à un grand nombre de faits semblables ou à la discussion de phénomènes auxquels se rattachent des chances nombreuses et qui dépendent de causes connues, ces principes conduisent infailliblement à la découverte de la vérité.

Il serait impossible d’exposer ici avec clarté toutes les recherches mathématiques de Fermat. Nous nous bornerons à rappeler qu’il doit partager avec Descartes la gloire d’avoir créé l’application de l’algèbre à la géométrie : il parait même que sur ce point, qui forme le principal titre mathématique de Descartes, Fermat avait devancé cet illustre philosophe. A une époque où la mécanique rationnelle venait à peine de naître entre les mains de Galilée, Fermat sut tirer d’un principe métaphysique une belle solution du problème de la réfraction de la lumière, et il dut, à cette occasion soutenir une longue lutte avec Descartes et avec ses principaux adhérens. Également habile dans la synthèse et dans l’algèbre, il savait résoudre des problèmes de géométrie qui eussent embarrassé Apollonius, et proposer à Descartes des questions sur les quantités irrationnelles, que non-seulement celui-ci ne résolvait pas, mais dont il ne semblait même pas saisir toute la difficulté.

Un homme qui a coopéré aux plus belles découvertes du XVIIe siècle, un mathématicien qui dispute à Descartes le mérite d’avoir créé la géométrie analytique, et à Pascal l’invention du calcul des probabilités, un analyste qui, de l’avis des juges les plus compétens, aurait devance Newton et Leibnitz dans leurs plus mémorables découvertes, mériterait certes l’hommage de la postérité ; cependant, nous l’avons dit,