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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/705

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intéressés à sa gloire, s’ils eussent compris toute l’importance de ses travaux, les éditeurs n’auraient pas manqué, et Samuel Fermat n’aurait pas eu à lutter contre d’insurmontables difficultés. Justel nous apprend que le mérite de Fermat était plus connu et admiré dans les pays étrangers qu’en France. Et pourquoi ? C’est que, — d’autres l’ont déjà remarqué, — après la mort de Fermat il n’était resté en France aucun géomètre de premier ordre pour apprécier à leur juste valeur ces admirables découvertes. Ce fut seulement au XIXe siècle, lorsqu’Euler, s’appliquant avec une si grande persévérance à la théorie des nombres, dut s’occuper long-temps des théorèmes énoncés sans démonstration par Fermat, que le nom de cet illustre géomètre fut pour ainsi dire ressuscité. La découverte des nouveaux calculs, la lutte qu’elle suscita entre les géomètres anglais et les géomètres du continent, ainsi que les grandes applications à la mécanique céleste, dont l’importance frappa tous les esprits., contribuèrent à éloigner pendant quelque temps les mathématiciens des travaux de Fermat.

Si par des démarches actives et répétées Samuel Fermat n’avait pas réussi à préserver les manuscrits de son père de la dispersion et de l’oubli, on doit penser que cette insouciance coupable ne dut pas s’arrêter lorsque la piété filiale cessa de lutter contre elle. Aussi, dans les débris qui sont arrivés jusqu’à nous des recueils manuscrits formés par Mersenne, par Bouillaud, par Carcavi, par Billy, par Thoinard, et qui, on le sait, contenaient tous des écrits de Fermat, on n’en retrouve plus aucun. De toutes les lettres qu’il avait adressées à Billy une seule, que nous avons mentionnée, reste encore à la Bibliothèque royale de Paris. Les manuscrits de Bouillaud, conservés dans la même bibliothèque, ne renferment plus les travaux mathématiques de Fermat que, d’après un ancien inventaire, Bouillaud possédait avant de mourir. On n’y trouve même plus une lettre autographe de Fermat qu’on y voyait autrefois et qui était relative à l’interprétation d’un passage de Frontin. Cette lettre intéressante, qu’on chercherait vainement dans les Opera varia, a été insérée par Camusat dans son Histoire critique des Journaux. La correspondance de Pascal contenait un nombre considérable de lettres de Fermat, dont quelques-unes seulement ont été publiées par Bossut. Dans sa belle édition des Pensées de Pascal, M. Faugère nous apprend que le père Guerrier, qui travailla tant sur les manuscrits de Pascal, a déclaré, dans une note qui existe encore, qu’il ne transcrivait pas les lettres adressées par Fermat à Pascal, parce qu’elles ne contiennent que de l’algèbre et des figures de géométrie ! On conçoit qu’avec de telles dispositions d’esprit, des