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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/851

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comme contraire à la liberté, à la justice, à la saine politique, aux usages de la civilisation, aux vrais intérêts des peuples. Le bill n’en fut pas moins adopté.

On a peine à concevoir que dans de telles conjonctures l’opposition ait eu le courage de tenter un nouvel effort en faveur de la réforme parlementaire. Des pétitions avaient été présentées pour la réclamer. Grey demanda le renvoi de ces pétitions à un comité. Loin d’admettre que les circonstances pussent être un motif d’ajourner la question, il prétendit que l’Angleterre devait puiser dans les évènemens de la révolution française une utile leçon sur le danger de résister trop long-temps à l’opinion publique. Pitt, dans un très long discours, repoussa les pétitions comme l’œuvre des clubs révolutionnaires, évidemment inspirée par une pensée de renversement ; il déclara qu’en présence des débordemens du jacobinisme menaçant de bouleverser l’ordre social, toute tentative de réforme lui paraissait avoir des dangers qui ne permettaient pas de s’y arrêter ; il fit remarquer combien ces vaines théories de droits absolus, ces principes métaphysiques dont arguaient les pétitionnaires avaient peu de rapport avec les considérations toutes pratiques, toutes d’expérience qui l’avaient porté lui-même, en d’autres temps, à provoquer une modification du système électoral. C’était réfuter d’avance les reproches d’inconséquence et de contradiction qu’on ne pouvait manquer de lui adresser, comme on l’avait déjà fait l’année précédente. Fox et Sheridan ne les lui épargnèrent pourtant pas en appuyant la proposition de Grey, qui fut rejetée à la majorité de 282 voix contre 40. La question de l’abolition de la traite était d’une tout autre nature que celle de la réforme parlementaire ; mais comme elle se liait également à ces idées de progrès philosophique, si compromises alors par l’odieuse application qu’en faisaient les révolutionnaires français, elle devait aussi succomber. Wilberforce ayant reproduit la proposition qu’il avait fait accepter l’année précédente par la chambre des communes, une majorité de 8 voix refusa de la voter. Treize ans devaient s’écouler avant que ses efforts, annuellement renouvelés, pussent réparer cet échec.

Le gouvernement britannique, au moment même où il inaugurait, en Angleterre et en Écosse, d’accord avec l’opinion publique, ce système de répression et de résistance absolue aux exigences des novateurs, suivait une tout autre marche en Irlande, où l’état des esprits, exaspérés par des griefs plus réels, le plaçait dans une position moins forte et moins assurée. Pour calmer l’irritation des catholiques, pour