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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/879

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palais, il se vit assailli par des furieux qui s’accrochèrent aux roues et se jetèrent aux portières comme pour s’emparer de sa personne. Un détachement de cavalerie, qu’on s’était hâté d’aller chercher, put seul le tirer de leurs mains. Dans le même instant, le carrosse de cérémonie qu’il avait quitté pour reprendre sa voiture ordinaire était mis en pièces par la populace.

Les chambres consternées s’empressèrent d’exprimer au roi, par une adresse commune, l’indignation et l’horreur qu’avaient excitées en elles de pareils attentats ; elles le supplièrent de faire prendre les mesures les plus efficaces pour en découvrir les auteurs. Une proclamation fut publiée, dans laquelle on chargeait les magistrats d’empêcher les rassemblemens illégaux et la propagation des écrits séditieux, et on promettait une récompense considérable à ceux qui dénonceraient les auteurs de l’outrage fait à la royauté. Sous ce dernier rapport, cette proclamation n’eut aucun résultat. Un seul homme, un ouvrier, traduit en justice pour avoir fait entendre sur le passage du roi des clameurs insultantes, fut condamné à cinq ans de prison solitaire et au pilori.

Le discours du trône exprimait pour la première fois avec quelque précision une pensée, une intention pacifiques. On y déclarait que si les efforts faits en ce moment à Paris pour constituer un gouvernement aboutissaient à la fondation d’un ordre de choses compatible avec la tranquillité des autres pays et le respect des traités, il serait possible de négocier avec la France. Cette promesse parut suffisante à l’immense majorité du parlement, et Wilberforce lui-même s’en montra satisfait. Fox proposa par amendement au projet d’adresse de prier le roi de faire offrir à la république française des conditions conformes à l’honneur de la couronne, à la sécurité, aux intérêts du peuple, et il se prévalut, pour appuyer cette proposition, de l’état de misère auquel l’Angleterre était, suivant lui, réduite. Pitt fit remarquer qu’il était absurde de proclamer ainsi son propre affaiblissement lorsqu’on voulait demander la paix. Il entreprit de démontrer que la situation, au lieu d’empirer sans cesse comme le prétendait l’opposition, s’était améliorée, que, par le discrédit complet et la chute des assignats, la France avait perdu le principal levier de sa puissance, que d’ailleurs elle paraissait revenir de ses longs égaremens à des pensées plus justes, plus saines, plus pacifiques, et il reconnut que, si la nouvelle constitution qu’on venait de lui donner obtenait l’assentiment national, l’état intérieur du pays ne serait plus une objection contre la paix. Loin d’adhérer cependant à l’opinion que Fox