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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/891

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eût rendu toutes les colonies françaises dont elle s’était emparée ; la France, de son côté, aurait restitué à l’empereur tous les territoires qu’elle lui avait enlevés, évacué l’Italie tout entière, où les choses eussent été remises sur le même pied qu’avant la conquête, et de plus elle aurait pris l’engagement de ne pas se mêler à l’avenir des affaires intérieures de ce pays ; enfin, la Hollande, alliée de la France, était placée dans l’alternative, ou de céder toutes les colonies conquises sur elle par les armes britanniques, ou d’en recouvrer une partie au prix de la restauration du stathoudérat. Ces propositions n’étaient pas en rapport avec l’état des choses. Les offrir à un gouvernement fier, ambitieux, peu désireux de la paix, c’était lui fournir un merveilleux prétexte de rompre des pourparlers auxquels il ne s’était prêté qu’à contre-cœur et par ménagement pour l’opinion. Le gouvernement anglais, il est vrai, se déclarait prêt à recevoir un contre-projet, et donnait à entendre que ce qu’il proposait n’était pas son dernier mot. Lord Malmesbury, dans un long entretien qu’il eut avec Charles Delacroix, insinua même qu’on pourrait accorder à la France quelque agrandissement territorial du côté de l’Allemagne, outre la Savoie et le comté de Nice, déjà cédés par la cour de Turin. Il put croire un moment que ces insinuations auraient le résultat qu’il s’en était promis. Le ministre français, tout en se récriant contre le projet du cabinet de Londres, tout en réclamant pour la France le prix de ses victoires et un équivalent des agrandissemens que les autres puissances continentales s’étaient procurés en Pologne, se montra disposé à entrer en discussion ; mais, dès le surlendemain, il dut, pour obéir aux ordres du directoire, sommer par écrit lord Malmesbury de présenter son ultimatum dans le délai de vingt-quatre heures. Surpris d’un procédé aussi étrange, ce dernier fit remarquer, dans sa réponse, ce qu’il avait de contraire aux usages et aux convenances diplomatiques ; il s’offrit de nouveau à examiner la contre-proposition qu’on voudrait lui communiquer. On lui répliqua que la France ne se prêterait jamais à aucun accommodement contraire, soit aux lois par lesquelles elle avait déjà réuni à son territoire une partie de ses conquêtes, soit aux traités qui la liaient aux nouveaux états fondés sous son influence. L’envoyé britannique reçut, avec cette déclaration, l’ordre de quitter Paris sous deux jours et de sortir de France le plus promptement possible. Ainsi finit cette négociation, qui s’était prolongée pendant deux mois. Le directoire, pour justifier la brutalité qu’il avait mise à la rompre, publia un manifeste violent et menaçant qui rejetait tous les torts sur le cabinet de Londres, et lui reprochait d’avoir insulté