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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/906

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voté, demandait le concours du pouvoir législatif pour déjouer les manœuvres des malveillans et des traîtres dont la complicité encourageait les agressions de la France. Les chambres répondirent à cette communication par une adresse dans laquelle elles promirent au roi leur appui dévoué, et cette fois Fox, tout en lançant encore quelques traits contre le cabinet, s’associa au sentiment national avec une énergie patriotique dont Pitt s’empressa de le remercier. On vota ensuite à la presque unanimité un bill qui permettait l’arrestation préventive des individus soupçonnés de conspirer contre le roi et son gouvernement. Le bill par lequel on avait, quelques années auparavant, autorisé l’expulsion arbitraire des étrangers, fut renouvelé à peu près sans opposition. Enfin, à la demande de Pitt, on facilita le recrutement de l’armée de mer en supprimant, comme on l’avait fait pendant la guerre d’Amérique, les exemptions individuelles qui, en temps ordinaire, limitaient l’action de la presse maritime. Pitt avait témoigné le désir que ce dernier bill fût, comme les précéderas, adopté sans aucun retard. Tierney s’étant opposé à cette précipitation et ayant dit qu’il considérait comme hostile à la liberté tout ce qui venait du ministère, Pitt s’écria, dans un mouvement d’irritation, qu’une opposition pareille révélait évidemment le désir de mettre obstacle à la défense du pays. Malgré les réclamations de Tierney, malgré les avertissemens du président, il refusa de rétracter ou d’expliquer ces paroles offensantes. Le surlendemain, un duel eut lieu entre le ministre et le député outragé. Tierney tira le premier et manqua son adversaire ; Pitt tira en l’air.

Comme l’année précédente, il fallut ajouter de nouvelles ressources financières à celles qui avaient été votées au commencement de la session, et qui se trouvèrent insuffisantes. L’impôt territorial rapportait annuellement à l’état 2 millions sterling. Pitt proposa de le déclarer rachetable au prix de vingt annuités, et le gouvernement fut autorisé à placer dans les fonds publics la somme que lui procurerait le rachat. Cette opération, que Pitt avait présentée comme devant à la fois élever le revenu et améliorer le crédit, échoua complètement, et l’histoire la signale comme une des erreurs les moins contestables de l’habile ministre. L’emprunt fut porté de 12 à 15 millions ; on aggrava les taxes imposées sur les objets de luxe comme aussi sur les besoins des classes les plus pauvres. Pitt déclara que, dans les nécessités extrêmes auxquelles on se trouvait réduit, les classes laborieuses devaient contribuer comme les autres aux frais d’une guerre dont le succès n’importait pas moins à leur destinée qu’à celle des riches et