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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/93

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quelque peu importans qu’ils aient été, vous les retrouvez vivans, comme chez Saint-Simon ; l’histoire politique, féconde en caractères et en intrigues d’ordre secondaire, reparaît chez lui avec toute sa variété microscopique.

N’avez-vous pas été taquiné souvent de trouver dans l’histoire des assemblées délibérantes tant de noms qui ont fait leur petit bruit et qui ne sont plus rien ? La nature même, la valeur, l’intensité de ce bruit, ont disparu ; c’est un bruit expiré, voilà tout. Entre 1815 et 1830, chez nous-mêmes, que de renommées de ce genre ! et qu’en reste-t-il ? Des noms, moins que rien. Le charme attaché aux écrits posthumes d’Horace Walpole, c’est de réveiller brillamment ces noms et d’en faire des hommes. Le colonel Barré, Shelburne, Bubb Doddington, les héros de Junius, les auditeurs de Burke, reparaissent. Celui-ci était médiocre, mais il connaissait les précédens de la chambre ; celui-là était vénal, mais il avait la voix forte et imposait silence aux ouragans des communes ; ce troisième passait pour ridicule, mais le ridicule l’avait bronzé, et il allait toujours devant lui, le front haut. A la bonne heure ! les choses s’expliquent, les caractères se découpent ; nous voyons comment se fait l’histoire, de quels élémens la vie représentative se compose et se complique. Sans ces curieux documens, nous ne saurions guère ce que c’était alors qu’une séance de la chambre des communes : Horace nous l’apprend. On venait de déclarer le démagogue Wilkes indigne de siéger à la chambre, comme flétri pour avoir publié un livre obscène. Voici la séance du lendemain.

« Le 24 novembre 1763, Wilkes fit remettre à la chambre une protestation écrite contre les mesures prises à son égard, et promit sur l’honneur de venir occuper sa place. Grenville demanda l’ordre du jour. Rigby dit que Wilkes ne s’en serait pas avisé, s’il avait su ce qui s’était passé la veille à la chambre. Hussey, avoué de la reine, homme sans tache, sans ambition, sans avidité, aimable dans la vie privée et d’une éloquence pathétique, prit la parole en faveur des privilèges de la chambre. York, avocat habile et subtil, se trouvant fort embarrassé, entre le mécontentement que lui inspirait la cour et le besoin de la servir, se rejeta sur les distinctions légales et sur les chicanes de procédures, qui lui valurent des applaudissemens unanimes. Pitt déclama deux autres heures sur l’audace des serviteurs de la couronne et le mépris qu’ils faisaient du parlement ; à force de déclamer, il s’échauffa tant qu’il se trouva mal. Le plus ancien membre de la chambre, sir John Rushout, avait été jadis poursuivi et accusé de parjure