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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/939

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Ce refus ouvrit les yeux de ceux qui avaient pu croire que la question religieuse était le seul motif de sa démission.

Le 14 mars 1801, un nouveau ministère fut enfin installé. Addington remplaça Pitt dans sa double qualité de premier lord de la trésorerie et de chancelier de l’échiquier ; le duc de Portland et lord Westmorland, tous deux membres du précédent ministère, firent aussi partie du nouveau comme président du conseil et gardien du sceau privé ; l’ancien procureur-général Scott, élevé depuis peu à la pairie sous le nom de lord Eldon, reçut le sceau de la chancellerie ; le comte de Saint-Vincent, l’illustre amiral Jervis, fut placé à la tête du conseil de l’amirauté ; les trois secrétaireries d’état de l’intérieur, des affaires étrangères et des colonies furent conférées à lord Pelham, à lord Hawkesbury et à lord Hobart ; la présidence du bureau de contrôle des affaires de l’Inde échut à lord Lewesham, qui eut bientôt pour successeur lord Castlereagh ; Charles Yorke eut le secrétariat de la guerre, lord Chatham la grande maîtrise de l’artillerie, lord Hardwicke la vice-royauté de l’Irlande. A l’exception de lord Saint-Vincent, tous ces hommes appartenaient au parti qui avait constamment soutenu le ministre démissionnaire. Son frère même figurait parmi eux. Addington, fils du médecin et de l’ami du grand lord Chatham, ami lui-même de Pitt, à qui il devait sa fortune politique, passait pour avoir été désigné par lui au choix du roi. Le ministère se présentait donc comme une continuation affaiblie de celui qui se retirait, comme tenant en quelque sorte sa place et devant continuer au fond le même système dans un moment où il convenait que les représentans les plus énergiques de ce système disparussent de la scène pour qu’on pût en modifier l’application. On croyait, on disait que Pitt ne cesserait pas d’être l’ame de tout ce qui se ferait, qu’il inspirerait, qu’il soutiendrait le nouveau cabinet, et son attitude, son langage, celui même qu’Addington tenait en toute occasion, ne pouvaient que confirmer ces suppositions.

Quelques-uns des collègues de Pitt obtinrent, en rentrant dans la vie privée, des témoignages de faveur et des récompenses de leurs services. Lord Grenville fut pourvu d’une pension très forte. Dundas fut admis à la chambre des lords sous le titre de lord Melville, et la compagnie des Indes, dont il avait long-temps et utilement soigné les intérêts comme président du bureau de contrôle, lui vota 2,000 livres sterling de pension. Le chancelier, lord Longhborough, fut créé comte de Rosslyn. Pitt, dont la médiocre fortune était fort dérangée par suite de son application exclusive aux affaires de l’état, ne voulut et n’accepta rien.