Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/989

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en proclamant des arrêts d’où devait dépendre la santé et la vie de plusieurs milliers d’hommes. Elle a dû se rendre un compte sévère de tous les matériaux appelés à former son opinion, elle a dû peser jusqu’aux moindres paroles destinées à rendre sa pensée. Aussi le rapport de M. Serres sur le concours de vaccine de 1842, rapport qui n’a été lu que cette année, restera-t-il comme une des pièces les plus importantes dans les archives de la médecine moderne.

Et d’abord, nous sommes heureux de le proclamer avec les commissaires de l’Académie, la vaccine préserve l’espèce humaine de la variole : non que cette vertu soit absolue ; l’inoculation, la variole naturelle elle-même, n’avaient pas la puissance de protéger partout et toujours ceux qui croyaient pouvoir compter sur elles. Mead a vu trois éruptions varioleuses se succéder immédiatement chez la même femme ; le fils de Forestus fut attaqué deux fois par la petite vérole, et Dehaën cite un de ses cliens qui, en ayant été affecté six fois impunément, succomba à la septième. En présence de ces faits, nous devons cesser de trouver étrange que quelques vaccinés soient atteints de varioloïde. C’est à dessein que nous employons ici ce mot, diminutif de celui de variole. En effet, si la vaccine est quelquefois impuissante à nous préserver de la maladie qu’elle est appelée à prévenir, toujours elle en diminue la gravité. Cette propriété, que Jenner et ses premiers successeurs n’avaient pas soupçonnée, est aujourd’hui mise hors de doute par l’ensemble des travaux dont le rapport de M. Serres offre le résumé ; contentons-nous de citer un seul fait. Dans une des plus terribles épidémies qui aient éclaté en Europe depuis la découverte de la vaccine, dans l’épidémie qui sévit à Marseille en 1828, plus de 10,000 personnes furent atteintes. Parmi elles, on comptait 2,000 vaccinés, dont 45 seulement furent emportés par le fléau. Sur les 8,000 non vaccinés, près de 1,500 périrent. Ces chiffres parlent plus haut que tous les raisonnemens.

En passant de bras en bras, le vaccin perd évidemment de son énergie locale. On sait que souvent la vaccination amène à peine une légère indisposition chez beaucoup d’enfans âgés seulement de quelques semaines, tandis que l’inoculation du cow-pox détermine, même chez les hommes faits, une fièvre assez violente. Heureusement la vertu préservatrice de ce virus bienfaisant ne s’affaiblit pas dans les mêmes proportions. Cependant les commissaires de l’Académie ont cru pouvoir conclure de l’ensemble des faits que la statistique médicale leur a fourni sur ce point, qu’il serait essentiel de renouveler le vaccin aussi souvent que possible. Un fait très remarquable, signalé par un des concurrens, fournira sans doute un moyen très simple de se procurer le cow-pox pour ainsi dire à volonté. Ce médecin avait inoculé le vaccin pris chez un enfant à une vache, afin d’observer les résultats de ce retour du virus à sa source première. Cette vache vaccinée non-seulement présenta des boutons de cow-pox, mais encore communiqua cette maladie aux vaches ses voisines, en sorte que notre praticien put observer simultanément le cow-pox artificiel qu’il avait cherché à obtenir, et le cow-pox naturel, auquel il ne