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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/998

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Si l’exploitation des mines, cette industrie mère qui enfante et féconde presque toutes les autres, est pour nous une source intarissable de richesses, elle est pleine de périls pour ceux qui l’exercent. Au fond de ces abîmes qu’il creuse pour satisfaire aux mille besoins de la civilisation, le mineur doit lutter contre mille dangers que la science la plus prévoyante ne peut toujours conjurer. Privé de la lumière vivifiante du soleil, respirant un air épais souvent chargé d’émanations délétères, il est exposé à des maladies cruelles inconnues aux hommes qui travaillent à la face du ciel. Il peut à chaque instant se voir enfermé vivant dans ses galeries souterraines, périr écrasé sous leurs ruines, ou tomber frappé d’une foudre dont sa propre main aura mis en liberté les élémens emprisonnés depuis des milliers de siècles.

C’est surtout dans les mines de houille que ce dernier accident se renouvelle avec une fréquence déplorable. En se décomposant pour former le charbon de terre, les végétaux enfouis par les révolutions du globe ont donné naissance à un gaz assez semblable à celui qui remplace de nos jours le classique réverbère dans l’éclairage des cités. Tantôt disséminé dans la masse entier e, il s’en exhale par mille fentes imperceptibles ; tantôt accumulé dans quelque cavité, il s’échappe en sifflant de ce réservoir ouvert par un malheureux coup de pioche. Dans l’un ou l’autre cas, malheur aux ouvriers qu’enveloppe le grisou, car ce gaz, composé d’hydrogène et de carbone, possède la propriété de détonner lorsque, mêlé à l’air atmosphérique dans certaines proportions, il est mis en contact avec un corps enflammé. Les suites de ces explosions sont toujours graves, souvent terribles. On a vu les puits qui aboutissaient aux galeries, changés pour ainsi dire en de gigantesques armes à feu, lancer au dehors les lourdes bènes chargées de charbon et les membres déchirés des ouvriers. Dans l’explosion qui eut lieu à Haswell, le 28 septembre 1843, on a vu quatre-vingt-quinze mineurs rester sur la place, et dans ce nombre ne sont pas compris de nombreux blessés. Ajoutons que ceux qui survivent au premier désastre sont loin encore d’être sauvés. Souvent la commotion détermine des éboulemens ; plus souvent encore l’acide carbonique résultant de la combustion de l’hydrogène carboné vicie l’air de la mine et entraîne la mort de ceux qu’avait épargnés le feu grisou. Dans la mine de Grésieux, l’explosion du 23 mai 1843 ne tua qu’un seul ouvrier, mais trente-trois périrent asphyxiés par l’acide carbonique.

Dans les pays où l’exploitation de la houille a pris un développement considérable, et surtout en Angleterre, on a cherché de tout temps à prévenir ces accidens redoutables. L’aérage des mines par de grands courans d’air pur serait sans contredit le meilleur moyen à employer ; mais la nature des travaux le rend presque toujours impossible ou insuffisant. Pour y suppléer, on chercha à éclairer les ouvriers par un moyen qui ne pût enflammer le mélange détonnant. On inventa une sorte de briquet mécanique, dont les étincelles jetaient par intervalle une clarté suffisante pour guider les mineurs dans leurs travaux, sans présenter au même degré le danger des lampes ; mais le plus souvent les ouvriers, rendus imprudens par l’habitude du péril,