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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/1053

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elle nous donna le tort d’avoir entrepris une expédition contre eux sans avoir su la terminer à notre avantage ; ils triomphèrent de notre victoire, assurant que nous avions été vaincus, puisque nous avions accepté après le combat les conditions refusées auparavant. L’animosité nationale s’accrut ainsi de notre faiblesse apparente dans cette tentative incomplète. Quand les Français rentrèrent au Mexique avec la paix, ils purent reconnaître qu’on n’avait en définitive rien obtenu. Notre ministre avait été remplacé, mais les sentimens des Mexicains n’avaient pas changé, il s’y joignait même une grande irritation causée par la guerre. Toutefois, tant que Bustamante resta au pouvoir, la justice et la légalité furent maintenues : il connaissait trop bien les forces de la France pour ne pas savoir à quel point ses compatriotes se trompaient en prenant notre générosité pour de l’impuissance ; il était trop loyal pour abuser des dispositions de l’esprit public, et faire de la popularité aux dépens de commerçans désarmés et inoffensifs.

L’avènement présidentiel de Santa-Anna fut marqué par un redoublement de persécutions contre les Français. Santa-Anna poursuivait, vis-à-vis de nos concitoyens, une vengeance personnelle ; il ne pouvait oublier qu’un boulet français lui avait tranché la jambe sur le môle de Vera-Cruz. Depuis sa blessure, il avait pris une devise à laquelle il ne resta que trop fidèle : Moler Franceses (persécuter les Français). Pendant les trois années qu’il présida aux destinées du Mexique, il s’efforça d’humilier notre ministre, de nuire aux intérêts de nos compatriotes et de les inquiéter dans toutes leurs opérations. En 1843, une ordonnance de Santa-Anna prohiba tout à coup, dans l’intérêt d’une industrie qui n’existait pas, l’introduction de la mercerie et de la quincaillerie. Tous les produits de fabrication parisienne furent proscrits par cette mesure. Un autre décret, lancé à quelques jours de là, défendit aux étrangers de se livrer désormais à la vente au détail. Les dispositions de ce décret portaient entièrement sur les Français, les seuls étrangers à peu près qui fissent le commerce de détail[1]. Que devait faire notre ministre ? Il réclama, mais ses réclamations avaient moins de poids encore que celles de M. Deffaudis, puisqu’il était démontré au Mexique que notre gouvernement ne pouvait rien contre lui. L’ordonnance dont la France demanda en vain le retrait reçut un commencement d’exécution, et si, depuis, nos compatriotes ont pu rouvrir leurs boutiques et détailler de nouveau leurs marchandises, c’est grace à la tolérance du gouvernement mexicain, et non en vertu d’un droit légitimement acquis et hautement proclamé. La loi subsiste, et le caprice

  1. On s’est efforcé de prouver que cette mesure atteignait aussi les négocians anglais, chez qui les détaillans français allaient faire leurs achats. Un simple aperçu des faits montre qu’on s’est trompé. Après la clôture des magasins de détail français, les besoins du pays n’en subsistaient pas moins, et les détaillans mexicains pouvaient tout aussi bien fournir aux demandes de la population en s’approvisionnant auprès des négocians en gros.