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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/1058

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toutes les républiques du sud. Il importe qu’elle ne néglige rien pour reprendre son ascendant. L’histoire de ses relations avec la république mexicaine peut lui servir d’enseignement pour l’avenir. Il y a loin de la politique passive qu’elle a presque constamment pratiquée à l’activité de la diplomatie anglaise, à l’ambition envahissante des États-Unis. C’est à elle de voir si elle veut persister dans cette voie funeste ou adopter un rôle nouveau.


IV

Quelque déplorables que puissent paraître, dans leurs conséquences immédiates, nos démêlés avec le Mexique, quelque fâcheuse que soit pour la France l’obligation d’aller combattre, à deux mille lieues, des ennemis sur lesquels elle n’a rien à prendre en échange de ses dépenses et du sang de ses soldats, il n’en est pas moins vrai qu’étudiée d’un peu haut, la question mexicaine se présente sous un aspect moins décourageant. Une occasion s’offre à la France de relever son influence compromise dans le Nouveau-Monde ; saura-t-elle en profiter ? Nous n’irons pas, sans doute, comme en 1838, prendre Saint-Jean d’Ulloa, démanteler Vera-Cruz, pour que le Mexique, désormais hors de la portée de nos canons, se rie de notre escadre, et attende paisiblement que la fièvre jaune et les vents du nord nous obligent à accepter des traités évasifs, une satisfaction incomplète. Nous n’irons pas non plus, avec des intentions de conquête, attaquer la Californie ou la Sonora, nous établir sur les côtes du golfe ou de l’Océan Pacifique, afin de surveiller de plus près le continent américain. Personne n’y songe, la France n’a nul intérêt à fonder des colonies de l’autre côté de l’Atlantique ; ce qu’il nous faut plutôt que des terres, c’est une influence directe sur toutes les républiques du sud, c’est le protectorat explicite de toutes les anciennes colonies espagnoles.

Admettons même qu’instruits par l’expérience, nous allions, avec des ressources sagement préparées, de fortes escadres et des troupes de débarquement, dicter la paix jusque dans Mexico : ce serait nous exposer à de grandes dépenses pour ne pas obtenir des résultats bien sérieux ; car, en supposant que les stipulations de la paix fussent telles que notre honneur et l’intérêt de notre commerce ont le droit de les exiger, qui nous en garantirait l’exécution ? quel gouvernement ferions-nous responsable de l’observation des traités ? Les gouvernemens ne se succèdent-ils pas au Mexique plus rapidement que les années, et celui d’aujourd’hui ne regarde-t-il pas comme non avenus les actes de celui d’hier ? Nos troupes retirées, le cabinet avec lequel nous aurions traité renversé par une révolution, la vanité nationale ne rejetterait-elle pas sur l’incapacité ou la trahison les défaites et les humiliations du Mexique ? et ne serions-nous pas obligés, tôt ou tard, de recommencer la guerre ? Pour contester cette hypothèse, il faudrait ne pas connaître le peuple mexicain, et ne tenir aucun compte du passé. Oui, tout arrangement avec