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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/1064

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à leur disposition les moyens d’obtenir par eux-mêmes les avantages qu’ils demandent à l’Union, l’amour-propre de race reprendra aussitôt le dessus, et ils ne songeront plus qu’à rester ce qu’ils sont, membres de la famille espagnole d’Amérique.

Un fait important vient à l’appui de notre opinion. En 1838, lorsque l’amiral Baudin se présenta sur les côtes du golfe, un mouvement fédéraliste se déclara immédiatement dans plusieurs parties du Mexique. La Sonora et Sinaloa s’agitèrent, Tampico releva le vieil étendard de 1834, et chercha à s’appuyer sur les Français ; on prétend même que des propositions directes furent portées à l’amiral, et que les propriétaires fédéralistes de la côte lui offrirent soixante mille chevaux et mules pour monter sa cavalerie et porter ses bagages, s’il consentait à les soutenir par une marche sur Mexico. Notre flotte ne portait aucune troupe de débarquement ; en outre, tout le monde pensait encore à cette époque qu’il suffisait d’une simple démonstration sur Vera-Cruz pour ramener la république à la raison. M. Baudin dut par conséquent ne tenir aucun compte de ces ouvertures. Qu’aujourd’hui une escadre française paraisse dans les eaux de Vera-Cruz, et l’opinion fédéraliste, qui est en fermentation sur tous les points, qui lutte depuis dix ans contre des ennemis qu’elle ne peut vaincre, s’empressera de lui offrir encore son concours. Une seconde fois les destinées du parti appelé à régénérer la république seront entre les mains de la France, et de sa réponse dépendra l’avenir de notre influence dans l’Amérique espagnole. Il est temps que nous rencontrions par-delà l’Atlantique un gouvernement capable de comprendre ce que vaut notre appui, assez intelligent pour écouter nos conseils, assez fort pour les pratiquer. La France a suspendu ses relations avec la république : elle ne peut les reprendre qu’avec un pouvoir instruit à la respecter et à la craindre. Il ne s’agit pas d’ailleurs d’humilier le Mexique, il s’agit au contraire de l’éclairer sur ses propres intérêts et de le ramener à des voies meilleures : L’Angleterre elle-même regarde aujourd’hui comme opportune toute entreprise qui tendrait à ramener l’ordre au Mexique.

Parmi les avantages qui résulteraient du rétablissement de l’ordre et de la prospérité au Mexique, il en est que la France partagerait avec l’Europe entière, il en est d’autres qui n’appartiendraient qu’à elle seule.

Le Mexique occupe dans l’Amérique septentrionale une superficie égale à celle de toute l’Europe, moins la Russie ; le chiffre approximatif de sa population est de huit millions d’habitans. Que l’on compare le commerce que fait l’Europe avec ce pays à celui qu’elle fait avec les États-Unis, et l’on trouvera qu’il est bien loin d’offrir les mêmes résultats. On évalue à 18 millions de piastres (90 millions de francs) la somme totale de l’introduction annuelle des marchandises étrangères au Mexique ; la France n’en expédie, pour sa part, qu’un cinquième à peine. Si notre commerce avec le Mexique n’est pas plus développé, c’est que la population mexicaine est en grande partie presque barbare : les hautes classes même ne connaissent ni le luxe, ni le bien-être ;