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embarras au milieu des complications présentes. L’appui qu’ils ont trouvé dans le règne actuel les a enhardis de nouveau, et nous les rencontrerons tout à l’heure, dans des circonstances diverses, tantôt favorables, tantôt hostiles, selon l’intérêt de leur cause, à l’agitation qui se répand chaque jour.

En présence des piétistes, on comprend que le rationalisme, animé par la lutte, ait dû se développer avec force. Appuyé sur des traditions déjà anciennes, excité sans cesse par les travaux des philosophes, le rationalisme protestant a acquis dans l’Allemagne du nord une autorité presque invincible ; on peut dire qu’il est la véritable religion de ce pays. Personne n’ignore, du reste, qu’il y a bien des nuances dans le rationalisme, qu’il y a mille manières de l’entendre : in domo patris rnei mansiones multœ sunt. Du rationalisme tel que le XVIIIe siècle l’avait emprunté à Wolf, à ce rationalisme presque mystique, nourri de Schelling et de Hegel, la distance est grande ; entre le sens commun trop vulgaire de ceux-ci et la science spéculative, la gnose raffinée de ceux-là, il y a bien des places intermédiaires. Ce n’est pas à nous, on le pense bien, de déterminer toutes ces nuances ; indiquons seulement les principales écoles, les véritables partis. Or, dans cette armée si nombreuse, il y a un groupe très distingué qui repousse à la fois et le servile esprit des piétistes, et les excès du rationalisme radical ; son chef, c’était ce noble Schleiermacher, dont la perte est chaque jour sentie plus amèrement. L’excellente revue publié par MM. Ulmann et Umbreit (Theologische Studien und Critiken) est l’organe le plus accrédité de cette sérieuse école. Dans les questions politiques, et c’est ce côté surtout qui nous occupe, les différences se traduisent par des systèmes très opposés aussi. Le problème si agité en ce moment des rapports de l’église et de l’état, la question si compliquée d’une constitution nouvelle pour l’église protestante n’est pas résolue de même par tous ; les plus avancés, comme on dit, les radicaux, rêvent l’organisation presbytérienne dans sa simplicité démocratique ; les modérés, au contraire, voudraient une combinaison habile de la commune presbytérienne et du système synodial. Les rationalistes modérés ont donc à lutter aussi, et ce terrain n’est pas plus sûr que tous les autres dans cette Allemagne si tourmentée. Enfin, au-delà de ces radicaux eux-mêmes, nous trouverons un nouveau groupe, une secte bien moins religieuse que politique, malgré les apparences théologiques dont elle se couvre, un parti fougueux qui attend en frémissant l’occasion de déployer son drapeau. Ce sont ces rationalistes extrêmes, enfans perdus de la philosophie hégélienne, disciples beaucoup trop fervens