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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/235

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publique, que des courtiers de suffrages, proxénètes méprisés, désertant le poste où la loi les a placés pour se faire agens d’intrigues. Plus le ministère serait audacieux, plus le danger serait grand. La considération du pouvoir y périrait avec la sincérité des élections. L’un de ces écueils est aussi redoutable que l’autre.

Il est diverses situations dans lesquelles le fonctionnaire joue un rôle politique. Il peut être écrivain, électeur, pair ou député. Examinons ses devoirs particuliers dans chacune de ces situations.

Le fonctionnaire n’est pas dépouillé du droit de prendre parti dans les débats politiques par la voie de la presse ; mais le citoyen seul doit tenir la plume, et jamais l’homme public. De cette règle découlent plusieurs conséquences : d’abord, une discrétion absolue est plus nécessaire encore dans des publications imprimées que dans de simples communications verbales. En second lieu, il n’est point permis au fonctionnaire d’engager une polémique sur les questions qui touchent à son service : l’anarchie serait dans l’administration, si un subordonné pouvait en appeler au public des mesures prises ou préparées par ses chefs ; la liberté des ministres serait entravée, si l’opinion était conviée à intervenir dans les délibérations intérieures du gouvernement, si les questions qui s’agitent à tout instant dans le sein des services publics étaient enlevées à cette région sereine et calme pour être transportées sur le terrain brillant de la politique. Enfin le fonctionnaire qui, substituant l’injure à la polémique, outragerait les ministres, dont il doit respecter le caractère et la personne, encourrait un juste blâme. A part ces restrictions, qui, loin d’attaquer aucun droit légitime, ont pour objet de conserver tous les droits intacts, nous pensons que, sans manquer à aucun devoir de discipline, le fonctionnaire, quand ses travaux officiels lui en laissent le loisir, peut toujours, pour nous servir des termes de la charte, publier et faire imprimer ses opinions.

Les devoirs du fonctionnaire dans les collèges électoraux sont faciles à tracer. La loi a consacré le principe du secret des votes comme une garantie de la liberté politique, et ce principe doit mettre le fonctionnaire à l’abri de toute recherche. Même avec la publicité du vote, il devrait jouir d’une égale inviolabilité. Dans le système de nos lois électorales, l’électeur ne vote pas seulement pour lui, il est le mandataire légal des citoyens qui ne sont pas admis aux fonctions politiques, et, quand même il pourrait abdiquer sa propre opinion, il ne peut, sans une sorte de forfaiture, sacrifier à un intérêt personnel ce qu’il considère comme utile à leur cause. Le gouvernement n’a donc pas le droit de contraindre le vote du fonctionnaire électeur. Ce serait