Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/273

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elles ne pouvaient, malgré l’artifice des chiffres, donner des résultats supérieurs. Une objection empruntée à de plus hautes considérations devait faire rejeter ce système. On pouvait lui reprocher de reposer sur un principe erroné, en ce qu’il tendait à faire considérer l’état comme affranchi de toute dette envers ses anciens serviteurs.

Dans les derniers projets de loi, le gouvernement a proposé de reconnaître cette dette, et en conséquence de faire payer par le trésor public, directement, les pensions de tous les fonctionnaires civils, comme il paie celles de l’armée. Nous approuvons cette pensée à laquelle la chambre des députés a donné son adhésion. Le fonctionnaire ne doit être livré à aucune chance, ni quant à la quotité, ni quant au paiement exact et intégral de la pension. Cette double assurance ne peut résulter que d’un engagement formel pris par l’état ; tout autre système la détruit. Cependant, tout en déclarant l’état débiteur direct, on a proposé, pour soulager le trésor de maintenir les retenues imposées aux fonctionnaires, lesquelles s’élèvent à présent à 5 pour 100 dans tous les services. Nous croyons qu’on n’aurait pas pensé à créer ces retenues, si elles n’avaient pas déjà existé, mais on n’a trouvé aucun inconvénient à maintenir un prélèvement établi depuis longues années, et auquel les fonctionnaires sont habitués. On a allégué d’ailleurs que des pensions dont les fonds étaient ainsi fournis par ceux même à qui elles étaient destinées, constituaient pour l’état une dette doublement sacrée, fondée qu’elle était à la fois et sur les services accomplis, et sur les retenues supportées par les fonctionnaires ; on a pensé que le paiement en serait d’autant mieux assuré contre les mesures de nécessité publique que pourraient provoquer une guerre, une crise financière, mesures auxquelles ne résisteraient pas des pensions qu’on pourrait considérer seulement comme des concessions de faveur et presque de munificence publique. Ces raisons sont sérieuses, mais elles ne nous paraissent pas sans réplique, et nous croyons que l’état n’aura entièrement payé sa dette que quand il accordera des pensions sans une retenue préalable. En réalité, le système des retenues n’est qu’une fiction, dès que le trésor public est constitué débiteur. On ne comprend ce système que quand la quotité de la pension dépend du produit des retenues, et quand les employés les administrent eux-mêmes en quelque sorte, et se les partagent : c’est ainsi que les choses devaient se passer sous le régime des caisses de retenues ; mais quand l’état est déclaré débiteur, débiteur dans tous les cas, débiteur d’une pension dont le montant est invariablement fixé à l’avance, la retenue n’est qu’une réduction de traitement, et il est un cas où elle peut motiver les plaintes les plus