Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/329

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux illusions, qui remonte à Ambroise Paré, et qui a été renouvelé dans ces derniers temps par M. Esquirol. Ce système consiste à faire semblant d’entrer dans l’erreur des malades, pour arriver ainsi à la guérir. Toutefois, de tels moyens ne présentent qu’une efficacité relative et toujours incomplète. En passant par-dessus l’erreur de l’aliéné, qui reste intacte, un tel procédé court toujours le risque de voir cette erreur se renouveler. La racine reste ; et sur cette racine d’autres végétations malsaines peuvent se reproduire incessamment. L’opération serait donc sans cesse à recommencer. Que si le malade vient en outre à découvrir par hasard la ruse du médecin, tout est perdu. Sa position se trouve singulièrement aggravée, car il n’aura plus aucune confiance, à l’avenir, dans un homme qui l’a trompé. À moins de cas exceptionnels, où toutes les autres voies de conviction ou même de contrainte ont été tentées inutilement, nous croyons donc qu’un tel moyen de traitement doit être rejeté. C’est dans la bonne foi, et non dans une feinte quelquefois heureuse, qu’il faut chercher des armes pour combattre radicalement l’erreur des malades. Encourager le délire, c’est protéger l’incendie ; vous couvrirez le feu sur certains points, mais la flamme éclatera sur d’autres, et vous n’aurez rien fait.

Non-seulement il ne faut pas condescendre aux imaginations de la folie, mais il importe, au contraire, d’éloigner de l’esprit et des yeux du malade, le jour, la nuit même, s’il était possible, les idées ou les objets qui tendent à renouveler la trace de ses visions délirantes. Le lien des songes et des hallucinations est surtout sensible dans les premiers temps de la convalescence. M. Leuret nous a dit avoir rencontré des cas où un rêve seul faisait évanouir tout le travail du médecin. On juge par là combien est délicate la mission de l’homme voué par état à guérir les infirmes de l’intelligence. À la fois prêtre, philosophe et anatomiste, il doit tour à tour confesser, éclairer et traiter ses malades. Un fait que nous avons d’ailleurs reconnu, c’est que les médecins les plus opposés en apparence au traitement moral l’appliquaient à leur insu, et comme malgré eux, dans leur service, tant ce traitement est Indiqué par la nature même de la maladie.

M. Brierre se déclare pour un traitement mixte tantôt physique, tantôt moral, le plus souvent l’un et l’autre. Ce parti est sans doute le plus sage. M. Foville a rétabli le calme le plus parfait chez des hommes que des hallucinations de l’ouïe avaient poussés aux plus horribles tentatives. Il lui avait suffi de traiter le sens spécialement affecté pour obtenir cet heureux changement. Nous avons vu nous-même dans le