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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/358

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REVUE DES DEUX MONDES.

discussion n’a pas été commencée par le clergé, mais par quelques enfans perdus qui n’avaient pas d’autre moyen de se rendre importans ; cela est parfaitement vrai, et il ne l’est pas moins que cette échauffourée d’étourdis a fini par devenir pour le gouvernement un grave sujet de sollicitude. Aujourd’hui que la querelle a déjà trois ans de durée, ce n’est pas un petit enseignement pour ceux qui savent réfléchir que de voir d’une part quelle est l’importance des questions qui se trouvent engagées, et de l’autre quelle est la puérilité et la misère des moyens dont on s’est servi pour arriver à ce résultat. Le clergé, qui voulait détruire la philosophie, a-t-il produit quelque nouvelle apologie du christianisme appropriée aux idées modernes et capable de rallier à lui les incrédules ? A-t-il mis à nu la misère de la philosophie ? A-t-il, comme il s’en vantait, convaincu d’erreur et d’impuissance les systèmes aujourd’hui les plus acceptés ? À moins qu’on ne prenne au sérieux le traité du Panthéisme de M. l’abbé Maret ou le manifeste de monseigneur l’archevêque de Paris contre la raison humaine, on est forcé de convenir que le clergé n’a rien fait de tout cela. En revanche, il a écrit dans ses journaux et proclamé jusque dans la chaire que l’université est une sentine de tous les vices. C’est, comme on voit, le procédé de Basile, le moins honorable il est vrai, mais le plus sûr. L’université a peu répondu ; elle a répondu presque toujours avec modération, et beaucoup d’esprits jugent que cette modération est allée jusqu’à la faiblesse. Cette extrême retenue est d’autant plus digne de remarque, qu’il s’agissait d’un corps où tout le monde tient la plume. Les professeurs de l’université ont senti que le bon sens public était avec eux ; ils ont compté sur une éclatante revanche, et elle ne leur a pas manqué. Si quelques paroles graves, élevées, ont été prononcées sur les rapports de la philosophie et de la religion, c’est de l’université qu’elles sont parties ; le monopole du scandale est resté à ses adversaires. Le livre de M. Saisset montre assez de quel côté se trouvent aujourd’hui la modération et l’impartialité. Sans descendre au sarcasme et à la raillerie, M. Saisset a été sévère pour les ennemis de la cause qu’il voulait défendre ; quand il a cru que ses amis allaient trop loin, il a prouvé, en discutant leurs principes, à quel point son indépendance était complète. Où en serait, après tout, la critique, si l’on devait en discutant les doctrines, faire acception des personnes ? On sait les colères qu’ont soulevées parmi les excentriques des deux camps quelques-uns de ces essais de critique philosophique et religieuse qui ont paru dans cette Revue et que nos lecteurs n’ont pas oubliés. Ces discussions viennent d’être réunies et reproduites avec de nouveaux développemens et des pièces à l’appui ; ce n’est pas à nous, on le comprendra, qu’il appartient d’analyser l’intéressant travail de M. Saisset, mais nous devons signaler son livre à l’attention bienveillante de tous ceux qui jugent sainement la querelle soulevée entre l’église et la philosophie.



V. de Mars.