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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/405

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Il serait trop long de suivre dans toutes ses phases ce débat animé, se renouvela si fois sous des formes différentes, qui occupa plusieurs séances, et dans lequel de graves accusations furent portées contre le gouvernement, celle entre autres d’avoir, par la communication des lettres saisies, causé la mort des jeunes Bandiera ; il importe seulement de remarquer quelle fut à cette occasion l’attitude des divers partis. Les radicaux, comme on devait s’y attendre, appuyèrent énergiquement M. Duncombe, et s’élevèrent avec indignation contre une pratique aussi immorale que dangereuse. Les whigs, qui, eux aussi, s’étaient servis du statut de la reine Anne, mirent en avant une distinction un peu subtile entre la correspondance des réfugiés italiens et celle d’un membre du parlement. Les tories enfin se divisèrent, et tandis que la majorité soutenait, sans beaucoup d’ardeur, sir James Graham, quelques-uns se tournèrent contre lui et lui infligèrent un blâme passionné. Tout le monde devine qu’à la tête de ceux-ci fut M. d’Israëli. Dans un premier débat, il avait, tout en appuyant M. Duncombe, gardé quelque mesure, assez du moins pour que sir Robert Peel pût le sommer de ne plus dissimuler son hostilité. Quelques jours après, il suivit le conseil de sir Robert Peel, et luit jeta à la face un des plus sanglans discours qui jamais aient été prononcés. Dans ce discours, toute la conduite de sir Robert Peel fut passée en revue et flagellée de main de maître. Plus d’une fois même, dans l’amertume de ses sentimens, il dépassa les bornes des convenances et du bon goût. Ainsi, quand il s’écria que « sir Robert Peel avait trouvé les whigs au bain, et qu’il s’était sauvé avec leurs habits, » ce n’était qu’une plaisanterie spirituelle, piquante, et qui fit beaucoup rire ; mais quant, rappelant indirectement les derniers rapports de sir Robert Peel et de Canning, il dit, avec une ironie concentrée, « qu’une citation du poème de Canning sur l’amitié lue par sir Robert Peel produirait un admirable effet, » il dut s’apercevoir, au mouvement de l’assemblée, que, dans la lutte parlementaire, tous les coups ne sont pas permis.

Quoi qu’il en soit, après un tel discours, la position de M. d’Israëli était fixée, et, comme le fit remarquer sir James Graham, il avait franchi l’intervalle qui sépare la mutinerie secrète de l’insurrection déclarée. Quant à sir Robert Peel, objet principal, unique, de tant de sarcasmes et d’invectives, c’est malgré une émotion bien naturelle, avec beaucoup de dignité qu’il répondit. « M. d’Israëli, dit-il doit être plus à son aise après s’être débarrassé de tout le virus qu’il avait amassé pendant une longue semaine ; mais je ne m’abaisserai pas jusqu’à lutter avec lui de personnalités. — Si une fois j’ai