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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/415

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guerres religieuses du XVIe siècle, et faire de l’Angleterre une nouvelle Espagne ? » Puis tous deux indiquaient clairement qu’à leur sens il serait bon, juste, chrétien, de donner à l’Irlande un établissement catholique, de même qu’on avait donné à l’Écosse un établissement presbytérien.

Il y avait lieu de penser que l’auteur de Coningsby, M. d’Israëli, si favorable au catholicisme, si bienveillant pour l’Irlande, imiterait ses deux amis, et ferait pour cette fois trêve à ses rancunes ordinaires, il n’en fut rien, et M. d’Israëli, au risque de paraître inconséquent, ne voulut pas manquer cette occasion de tirer sur son ennemi. Après avoir, en peu de mots, cherché à prouver qu’une fois le principe du bill admis, toute secte religieuse pouvait réclamer une subvention de l’état, et qu’à ce titre le bill était contraire aux vrais principes, il reprit son thème habituel, et déclara que, même bon, le bill devait être repoussé à cause des mains qui l’apportaient C’est, dit-il, un outrage à toute décence que ceux qui ont conquis le pouvoir en combattant une certaine politique viennent maintenant faire prévaloir cette politique sans opposition et sans critique. C’est aussi une atteinte profonde, mortelle à la vérité du gouvernement représentatif, de ce gouvernement qui ne saurait vivre si les partis n’ont pas certaines opinions auxquelles ils restent fidèles. Si les whigs introduisaient une telle mesure, il y aurait pour les contrôler une opposition constitutionnelle. Aujourd’hui l’opposition est morte à la chambre des communes, et il n’y a plus de chambre des pairs. Que reste-t-il au milieu de la dégradation générale, de cette dégradation que le conservatisme a faite, et non le radicalisme ? Rien qu’un grand middle-middleman parlementaire. Or, sait-on ce que c’est qu’un middle-man ? C’est quelqu’un qui trompe les uns et qui pille les autres jusqu’à ce qu’après avoir obtenu la position à laquelle il n’a pas droit, il s’écrie : N’ayons plus de questions de parti, et donnez-moi la fixité de tenure[1]. Il est temps d’en finir avec ce joug insupportable de despotisme officiel et d’impuissance parlementaire. »

Il serait trop long de suivre ce curieux débat dans tous ses détails. Parmi ceux qui soutinrent le bill, on remarqua, outre les membres du cabinet, M. Hawes, le colonel Wood, sir Charles Napier, M. Wynn, M. Hume, lord Lincoln (fils du duc de Newcastle), lord

  1. Pour bien comprendre cette plaisanterie, il faut se rappeler qu’en Irlande les propriétaires et les paysans sont exploités par des fermiers généraux nommés middlemen. Il faut se rappeler aussi qu’O’Connell demande pour les petits fermiers irlandais la fixité de tenure.