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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/425

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irlandais devait, en se portant sur les pas de la reine, lui faire connaître qu’il voulait le rappel. En conséquence, la corporation revint sur son premier vote, et le voyage de la reine se trouva nécessairement ajourné. Tout cela, je le crains, provenait d’un sentiment étroit, mesquin, peut-être même du dépit qu’éprouvait secrètement O’Connell d’avoir fait fausse route depuis six mois. Il fut au contraire parfaitement dans le vrai quand il dénonça à l’indignation publique l’intolérance du protestantisme anglais et les ignobles injures dont ce protestantisme poursuivait la religion catholique. Il fit observer avec justesse que l’église anglicane se montrait relativement modérée, et que les dissidens avaient la palme de la violence et de la grossièreté. Chose remarquable d’ailleurs, de toutes les églises protestantes, celle d’Irlande semblait la moins effrayée, la moins agitée, la moins indignée. Si quelques orangistes unissaient leur voix à celle des wesléiens anglais, la plupart des protestans d’Irlande attendaient sans beaucoup de bruit la fin de la crise et semblaient se résigner d’avance au triomphe de Maynooth. C’est un fait dont sir Robert Peel, à plusieurs reprises, ne manqua pas de tirer parti, et qui avait sa valeur.

Il faut en finir avec cette question, qui, bien que résolue implicitement, occupa encore plusieurs séances. Un jour, le débat roula tout entier sur la comparaison des livres catholiques donnés aux élèves de Maynooth et des livres protestans employés dans les écoles luthériennes calvinistes et wesléiennes. Des deux parts, on cita des passages fort mauvais, fort scandaleux, et qui prêtèrent à s’indigner et à rire. Un autre jour, le serment du couronnement fut mis sur le tapis, et la reine presque menacée de déchéance. On répéta aussi sous toutes les formes, sur tous les tons, que, l’église établie étant la loi de Dieu, on ne pouvait, sans encourir la colère divine, subventionner une autre église, surtout une église idolâtre.

Quand enfin, après beaucoup de péripéties, arriva le moment de la dernière lecture, il existait, selon les rapports officiels, 8,758 pétitions contre le bill, revêtues de 1,106,772 signatures. De plus, à force d’importunités, plusieurs collèges électoraux avaient obtenu de quatre à cinq membres qu’ils changeassent leur vote ; mais la grande majorité, il faut le dire à son honneur, s’y était péremptoirement refusée, entre autres M. Macaulay, à qui mille électeurs d’Edimbourg venaient d’adresser en vain une lettre menaçante. Dans cette situation, les ultra-protestans crurent devoir faire un dernier effort, un effort suprême, et renouveler toutes leurs invectives contre le papisme. M. Ferrand donna en face à sir Robert Peel le nom de Maroto