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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/437

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absolue, les mettre à l’abri de toute action. La chambre presque entière partagea l’opinion de lord Campbell et de lord Lyndhurst. M. Harlow et son avoué furent donc mis en prison ; le lendemain ils demandèrent excuse et furent renvoyés.

Ce n’est pas tout. Lord Brougham ayant fait repousser le chemin de fer de Galway en dénonçant dans ce bill plus de trois cents violations des règles parlementaires établies, un membre irlandais, M. French, qui avait pris ce chemin sous sa protection, dirigea contre lord Brougham, dans la chambre des communes, une attaque des plus vives et toute personnelle. La chambre était ce jour-là peu nombreuse et peu attentive : M. French parlait assez bas, de sorte que personne ne l’entendit et qu’aucun rappel à l’ordre n’intervint ; mais le lendemain, les journaux, le Times notamment, reproduisirent ses paroles. Lord Brougham alors proposa d’appeler à la barre, non pas M. French, mais le Times, comme coupable d’avoir violé les privilèges de la chambre. M. French ayant saisi la première occasion de déclarer que les paroles incriminées étaient bien réellement les siennes et n’avaient point été inventées par le Times, le cas devenait assez embarrassant. Lord Brougham le sentit et retira sa motion.

On peut, dans tous ces conflits, reconnaître l’esprit anglais, qui toujours procède par précédens plutôt que par loi écrite. A plusieurs reprises, on a engagé le parlement à définir nettement ses privilèges et à les consacrer par un bill, de sorte qu’aucune cour de justice ne pût plus, les contester. Le parlement s’y est toujours refusé, en alléguant que ce serait limiter un pouvoir qui, dans l’intérêt public, doit rester illimité. Des privilèges indéfinis et une force matérielle toujours prête à les faire respecter, voilà ce que le parlement anglais possède de temps immémorial, et ce qu’il veut conserver aujourd’hui. Reste à savoir s’il y parviendra, et si ici, comme ailleurs, un sage esprit de transaction ne devra point prévaloir.

Si je n’ai rien dit encore des affaires étrangères, c’est que sur ce terrain il y eut, pendant les sessions de 1844 et 1845, bon nombre de discussions, mais pas une lutte véritable. La raison en est simple. Lord Palmerston, sans doute, est toujours prêt à soutenir que sir Robert Peel abaisse partout son pays, et notamment qu’il met l’Angleterre à la remorque de la France ; mais cela est si faux, si absurde, si ridicule, que ni les radicaux, ni la grande majorité des whigs, ni même la plupart de ses anciens collègues, n’osent suivre le noble lord dans une telle voie. Force est donc à lord Palmerston de parler sans conclure, et de subir sans répliquer l’éternel défi que lui