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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/498

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citer de lui une lettre encore, mais toute différente de celles qu’on connaît, une lettre fort simple en apparence, et qui a cela de remarquable à mon sens, qu’entre toutes les autres que j’ai vues, elle est la seule où il témoigne avoir un peu de calme et de contentement dans la tête et dans le cœur. Après les orages terribles qui avaient rempli les premières années de son mariage, et dont il a noté les accidens les plus singuliers dans son projet de mémoires, il quitte Lausanne et part pour l’Allemagne. Ce moment est indiqué dans le curieux carnet autrefois cité par M. Loève-Veimars, et dont il existe plus d’une copie ; voici les termes : « Départ pour l’Allemagne, 15 mai 1811. — Un tout autre atmosphère. — Plus de luttes. — Charlotte contente. Plus d’opinion contre nous. — Je me remets à mon ouvrage. Je joue et je perds mon argent à la roulette. — Établissement à Gottingue, 8 novembre. Dispositions politiques des étudians. — Études sérieuses. — Vie sociale assez douce. » Or, c’est dans ce court intervalle de retraite, de douceur inespérée et de sagesse (sauf un reste de roulette), qu’il écrivait à Fauriel la lettre suivante où se confirment les mêmes impressions :


Au Hardenberg, près Gottingue, ce 10 septembre 1811.

« Il faut pourtant que je vous écrive, cher Fauriel, après un silence de six mois. Je me le suis souvent reproché, mais j’ai tant couru, le monde, surtout depuis le printemps, que je ne savais où je pourrais recevoir votre réponse, et c’est bien dans l’espoir d’obtenir de vos nouvelles, et par le besoin de cœur que j’en ai, que je vous écris. J’ai donc attendu d’être fixé pour quelque temps. Je le suis maintenant, je crois, pour tout l’hiver, dans la famille de ma femme, et dans un antique château, dominé par les ruines de deux châteaux plus antiques encore, au milieu d’un assez beau pays, chez des gens qui ont beaucoup plus d’affection de famille qu’il n’est de mode chez nous d’en avoir, avec une femme à laquelle je suis chaque jour plus attaché, parce qu’elle est chaque jour meilleure pour moi, et près de la plus belle bibliothèque de l’Europe. Tout cela compose une situation beaucoup plus douce qu’il ne semble qu’on ait le droit de l’avoir dans le temps où nous vivons. J’en profite pour me reposer de tant d’agitations passées et pour travailler autant que je le puis. J’espère finir cet hiver l’ouvrage qui m’a occupé tant d’années. J’ai ici tout ce qu’il faut pour cela. Il n’y a pas un livre un peu utile qui ne soit à ma disposition,