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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/521

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mander s’il veut la paix ou la guerre. Ce bruit, qui nous vient de Rio-Janeiro, nous remet en mémoire la conduite que tint Rosas quand les représentans du peuple procédèrent à Buenos-Ayres à l’élection d’un nouveau gouverneur. Rosas fut nommé au premier tour de scrutin, il refusa ; une seconde fois son nom sortit de l’urne, même refus. Trois et quatre fois il fut porté par les représentans et trois et quatre fois il refusa l’autorité qu’on lui décernait. Que voulait-il donc ? Des pouvoirs extraordinaires, et les représentans du peuple furent obligés de lui conférer, par un décret, toute la somme du pouvoir public cinq ans. Le même homme qui a demandé si audacieusement le despotisme pourrait bien, en faisant décréter la guerre par le peuple même, chercher dans le fanatisme national, vivement surexcité, un nouvel instrument de dictature. Il y a donc, tant à cause de Rosas que du côté de l’Angleterre, les plus sérieuses précautions à prendre pour qu’une intervention si tardive et si lointaine ne tourne pas au détriment de la dignité et des intérêts de la France.

Personne plus que nous ne désire l’accord des deux gouvernemens ; mais nous voudrions que l’un et l’autre s’appliquassent également à écarter toute cause de mésintelligence. Ainsi, dans les affaires de Grèce, le cabinet anglais ne peut ignorer tout ce qu’a d’excessif, de violent, la conduite de son représentant à Athènes. On dirait que M. Lyons n’est accrédité auprès du roi Othon que pour fomenter la guerre civile en Grèce. Quand l’insurrection du Magne a éclaté, il n’a pas caché qu’il en désirait le succès. M. le ministre des affaires étrangères, qui connaît fort bien cette conduite de M. Lyons, aime à se persuader qu’elle n’est pas l’expression fidèle des intentions du gouvernement anglais, qui aurait des sentimens plus conciliateurs et plus modérés que son agent. Cependant sir Edmond Lyons continue à compromettre l’entente cordiale à Athènes. Toutes les difficultés qu’il nous suscite relèvent encore ce qu’a de loyal et de digne l’attitude du représentant de la France. M. Piscatory concilie fort bien un respect profond pour l’indépendance morale de la Grèce avec une franche sympathie pour l’affermissement de la monarchie constitutionnelle à Athènes et pour le ministère Coletti, qui y travaille avec une énergie si dévouée. Aussi n’a-t-il pas peu contribué à entretenir, à augmenter en Grèce la popularité du nom français, popularité dont un jeune et illustre voyageur a pu, dans ces derniers temps, recueillir les précieux témoignages. Peut-être, si M. le duc de Montpensier eût prêté l’oreille à certaines insinuations, il n’eût pas touché le sol de la Grèce ; nous le félicitons d’avoir suivi ses inspirations personnelles, et il en a été dignement récompensé par toutes les démonstrations qui, dans sa personne, s’adressaient à la France.

Quelques organes de la presse anglaise n’ont pas manqué de trouver mauvais que la présence de M. le duc de Montpensier en Grèce soit venue donner une nouvelle force à M. Piscatory. Quant aux calomnies du Morning Post contre notre ambassadeur et M. Coletti, l’extravagance en détruit tout le danger. La presse, chez nos voisins, paraît livrée à des accès intermittens d’injustice et de colère qui lui ôteraient tout son crédit, si de temps