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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/549

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ne sont pas censés être assez indépendans, veut-on dire, en les admettant à la chambre des pairs, que l’indépendance y est moins nécessaire ? Si d’un autre côté, comme je le crois, les préfets ne sont exclus de la chambre des députés que parce qu’ils sont tenus à résidence, comment pourront-ils siéger à la chambre des pairs et résider dans leurs préfectures ? De quel côté la résidence est-elle obligatoire pour eux ? A Paris comme pairs, ou dans leurs départemens comme préfets ? parmi ces griefs, les uns touchent à des manques de tact et d’égards, les autres à une interprétation abusive de la loi ; mais tous font souvenir tristement de cette parole de M. Bérenger dans son rapport sur la constitution de la pairie, « qu’il fallait soigneusement éviter que la liste des candidats à la pairie ne se composât que des rebuts de l’autre chambre[1]. »

Chose curieuse, il n’y a pas un des inconvéniens dont se plaint la pairie actuelle qui n’ait été prévu en 1831, et cependant tel est l’entraînement des choses humaines que, malgré la prévoyance du mal, la pairie a été constituée telle que nous la voyons. « Une chambre nommée uniquement par le ministère serait dénuée d’autorité morale, et au lieu de prêter appui et secours au gouvernement, elle l’affaiblirait par son impuissance, disaient les membres de la commission qui soutenaient l’hérédité[2]. « Il faut, disait M. Guizot, que la chambre des pairs soit un pouvoir gouvernemental par sa nature, et tout-à-fait distinct, tout-à-fait indépendant du gouvernement par sa position… L’hérédité seule peut atteindre ce but. L’hérédité seule crée à côté du gouvernement un certain nombre de situations permanentes, élevées, au niveau du gouvernement, vivant habituellement dans sa sphère, connaissant ses besoins, pénétrées de son esprit, vouées aux mêmes intérêts généraux que lui, et dégagées de ses intérêts personnels, à la fois alliées et indépendantes… dont nous avons besoin et plus que jamais, c’est qu’il y ait dans la société des hommes qui par situation, par le fait de leur naissance, si l’on veut, se vouent et appartiennent spécialement aux affaires publiques, à la vie, politique, des hommes qui en fassent habituellement, naturellement leur étude, leur état… » Et cette aristocratie que M. Guizot croyait nécessaire à la société moderne, il l’appelait fort heureusement une aristocratie constitutionnelle. Eh bien ! je le demande à tout homme de bonne

  1. Rapport, page 31.
  2. Page 33.