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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/572

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l’Allemagne se croyait menacée Au milieu de cette crise, le souvenir de 1813 se réveilla avec plus de vivacité : or, quand on vit bientôt que la paix européenne ne serait pas troublée, l’enthousiasme si ardemment excité ne fut pas perdu ; les esprits se tournèrent vers le gouvernement prussien pour réclamer d’une voix plus ferme les libertés intérieures qu’attendait le pays. Cette coïncidence de l’avènement du nouveau roi et de la crise politique de 1840 n’est pas un fait de médiocre importance et qu’il soit permis de négliger. Aussi bien Frédéric-Guillaume parut se prêter de bonne foi à ce rôle qu’on exigeait de lui ; il aimait à rappeler lui-même ces guerres de 1813 dont le souvenir est si cher à nos voisins ; les noms des hommes éminens de cette époque, les noms de Münster, de Stein, de Hardenherg, étaient coiitinuellent dans sa bouche, et il avait prononcé, en des occasions solennelles, cinq ou six discours très vagues, très indécis, mais dont l’éclat, dont les formes religieuses avaient singulièrement séduit la candeur allemande. Il disait à la ville de Kœnigsberg : « Je m’engage à la face de Dieu, et devant tous les témoins qui m’entendent, je m’engage à fonder le bien-être, la prospérité, l’honneur de tous les états qui composent mon royaume. Tournons-nous donc vers Dieu, ajoutait-il, vers ce Dieu qui sacre les princes, qui leur concilie le cœur des peuples, et qui en fait des hommes selon sa volonté suprême, propices aux bons, terribles aux méchans. » Quelques jours après, à Berlin, il s’écriait, en présence des nobles du royaume venus pour le féliciter : « Je sais, messieurs, que je tiens ma couronne de Dieu seul, et qu’il m’appartient de dire : Malheur à qui la touche ! mais je sais aussi, et je le proclame devant vous tous, je sais que cette couronne est un dépôt confié à ma maison par ce Dieu tout-puissant ; je sais que je dois lui rend compte de mon gouvernement, jour par jour, heure par heure. Si quelqu’un d’entre vous demande une garantie à son roi, je lui donne ces paroles ; il n’aura ni de moi, ni de personne sur la terre, une caution plus solide. Oui, ces paroles me lient plus fortement que toutes les promesses gravées sur le bronze ou inscrites sur les parchemins, car ils sortent d’un cœur qui bat pour vous, et elles prendront racine dans la foi de votre ame. » Ces accens très germaniques, ces paroles assez indécises, comme on voit, et peut-être un peu trop bruyantes, mais empreintes d’une loyauté sincère, enthousiasmèrent les esprits. L’enthousiasme fut bien plus vif encore le jour où le roi, sur le balcon de son palais, s’adressa à toute la foule, et sembla résumer tous ses précédents discours dans une allocution solennelle adressée au pays tout entier. Il terminait ainsi : « Que de sources de larmes