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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/579

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l’artiste même, sous le roi absolu. Frédéric-Guillaume comptait sur le succès de sa proposition, comme un poète sur le succès de sa pièce nouvelle ; or, la pièce, il faut bien le dire, venait d’être fort mal accueillie. Cette blessure faite à son amour-propre lui sera plus cruelle que l’atteinte portée à l’autorité royale. Dès ce moment, la politique du cabinet va changer ; une résistance active s’organisera ; à ces communications si bienveillantes de la couronne et du peuple succéderont peu à peu la défiance et l’aigreur. Le 12 mars 1841, quelques jours après un discussion très vive soulevée aux états de Posen par le décret du 22 février, le roi répondait aux états en des termes presque menaçans ; il commençait ainsi : « La précipitation avec laquelle vous avez jugé le décret qui vous a été soumis n’est guère propre à exercer une influence heureuse sur les dispositions bienveillantes qui nous ont inspiré ce projet de loi. » On saisit ici, dès les premiers mots, le ton de ces communications singulières. Les états ont blâmé l’œuvre du roi ; le roi reproche aux états la légèreté de leur jugement. Pure querelle d’amour-propre, discussion de poète à critique :

Et moi, je vous soutiens que mes vers sont fort bons.


De telles scènes sont bien loin de nous, bien loin aussi des habitudes des gouvernemens du Nord. Cette manière étrange de découvrir la couronne, cette promptitude à se montrer, cette candeur même d’un souverain absolu qui discute sans intermédiaires avec son peuple, et ne craint pas de laisser éclater publiquement son naïf dépit, tout cela était bien nouveau alors. Il y a quelques semaines, Frédéric-Guillaume discutait encore de la même façon, il s’engageait directement dans une controverse théologique avec la municipalité de Berlin. Ces discussions qui nous ont si fort étonnés ne datent pas d’hier, comme on voit ; elles ont toujours été familières à Frédéric-Guillaume, et, parmi tant de controverses publiques, celle du 12 mars 1841 n’est pas la moins curieuse. Nous reviendrons tout à l’heure sur ces singulières habitudes du roi, sur l’influence qu’elles peuvent avoir. Continuons d’abord le récit que nous avons commencé, achevons rapidement cette histoire de la cause constitutionnelle en Prusse.

Après avoir renvoyé à ses critiques le dédain qu’on avait témoigné pour son œuvre, le royal auteur du décret terminait par des paroles bien dures, bien sèches, bien inattendues surtout. Il annonçait résolument que l’ordonnance promulguée par son père en 1815 n’était pas obligatoire pour lui. La question mûrement étudiée, il déclarait