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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/592

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respect de la pensée, par sa foi dans l’action. Or, à qui doit-elle ces traditions, ces nécessités fécondes, et, en quelque sorte, cette charte souveraine ? A celui qui écrivait en 1731 : « Je souhaite à cette maison royale de Prusse de sortir complètement de la poussière où elle est restée jusqu’ici, je souhaite qu’elle devienne le refuge des malheureux, l’appui des opprimés, la providence des pauvres, l’effroi des méchans ; mais si le contraire arrivait, si (ce qu’à Dieu ne plaise !) l’injustice et l’hypocrisie devaient y triompher de la vertu, alors je lui souhaite, à cette maison royale, une chute plus prompte, plus rapide, que ne l’a été son élévation. » M. Hinrichs a bien fait de rappeler avec force ces beaux souvenirs. Cette ferme et intelligente étude sur le règne de Frédéric est une des meilleures parties de son livre, et un excellent point de départ pour tous les développemens qui vont suivre. En effet, les évènemens des années qui se succèdent ne sont que la conséquence de cette politique hardie. Quand la philosophie prend un si libre, essor à Iéna et à Berlin, quand Fichte écrit les Discours à la nation allemande, n’est-ce pas l’esprit du grand Frédéric qui se perpétue dans la monarchie ? M. Hinrichs suit avec beaucoup d’attention les phases diverses de cet esprit ; tantôt on lui lâche la bride, tantôt il est comprimé, menacé. L’auteur arrive bientôt à l’histoire contemporaine. Quoique les questions soient brûlantes, il ne redoute pas les détails les plus rapprochés de nous, il n’a pas peur des noms propres. Depuis 1815 jusqu’en 1843, le mouvement de l’opinion publique en Prusse est longuement indiqué avec ses alternatives de succès et de revers. Nous avons là un tableau complet de ces trente dernières années. Ce tableau, sans doute, pourrait être plus net ; l’auteur n’a pas toujours distribué avec art les intéressans matériaux dont il dispose ; tel qu’il est pourtant, avec ses défauts, ses longueurs, sa confusion, c’est un travail utile, plein d’indications précieuses, et le plus curieux des documens pour l’histoire contemporaine de l’Allemagne du nord.

Voilà pour le mérite de l’auteur : ceci n’est rien cependant ; le véritable intérêt de ce livre, c’est que ce n’est pas un livre, mais une série de leçons professées dans une université prussienne en présence d’un jeune et ardent auditoire. Voyez-vous le professeur, le philosophe, discutant en chaire sur les évènemens de l’ame qui vient de finir, le voyez-vous délibérant sur les paroles de Frédéric-Guillaume, commentant les décrets, les ordonnances, les discours de la couronne ? Quand il ne professe pas, il publie des brochures ; à Pâques, à la Pentecôte, toutes les fois que les salles de l’université sont vides, il publie