Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/599

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cependant, chose singulière ! cette seconde victoire, si adroitement obtenue, lui échappa presque au même instant. Soit hasard, soit habileté supérieure, au moment même où le gouvernement prussien cédait à l’influence autrichienne cette direction de l’Allemagne à laquelle il pouvait prétendre, il regagnait sur un autre terrain tout ce qu’il sacrifiait ici. C’est en 1819 surtout que Frédéric-Guillaume III a commencé d’abandonner la cause libérale pour entrer dans cette voie de réaction où l’engageait la politique du cabinet de Vienne. Eh bien ! c’est aussi en 1819 que commença obscurément, dans l’ombre, une œuvre très sérieuse, très féconde, par où devait être rendue au royaume de Prusse la prééminence qu’il abandonnait ; je parle de l’union douanière. Le premier traité conclu en 1819 avec la principauté de Schwarzbourg-Sondershausen fut le signal de cette nouvelle politique. Quelques années après, c’étaient des états plus importans, la Hesse-Darmstadt, la Hesse électorale, que la Prusse attirait à elle ; ses conquêtes s’étendaient chaque jour, et, en 1836, les grands états du centre et du midi, la Saxe, la Bavière, le Wurtemberg, faisaient partie du Zollverein. Il y eut alors un véritable commencement d’unité dans cette Allemagne si avide de ce bien suprême. Depuis lors, des accessions importantes ont eu lieu, et il faut aujourd’hui compter plus de vingt-sept millions d’hommes que ce grand système réunit pour une cause commune sous la présidence de la Prusse. On comprend quelle a dû être l’inquiétude de l’Autriche, en voyant la fortune nouvelle de son altière rivale Quelle défaite pour la politique du cabinet de Vienne !

Eh bien ! si M. de Metternich, repoussé déjà sur ce point où il croyait avoir triomphé, voit reparaître les idées libérales auxquelles il a déclaré une guerre à outrance, les deux résultats qu’il poursuit depuis trente ans, et qu’il avait cru atteindre, lui échapperont à la fois. Il aura perdu l’une après l’autre la double conquête dont il pouvait se glorifier ; l’œuvre de toute sa vie croulera. Cette situation de M. de Metternich est bien grave ; elle fait pressentir les mille obstacles que sa politique opposera au mouvement constitutionnel. Il est manifeste que l’Autriche est aujourd’hui plus intéressée que jamais à combattre les idées de réforme ; battue dans la question du Zollverein, dépassée par la Prusse, qui s’est placée à la tête de l’unité commerciale, si elle laissait sa rivale s’emparer aussi de la direction politique et devenir le centre de l’Allemagne constitutionnelle, elle descendrait au second rang. Elle luttera donc avec une vigueur désespérée, et le chef du cabinet de Vienne, à un âge où le repos est précieux, sera forcé d’entreprendre une périlleuse campagne pour défendre l’œuvre de sa vie