Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les catholiques : ils s’autorisaient d’un fait, inaperçu du plus grand nombre, mais qui n’avait pas échappé à l’expérience administrative de ces deux hommes d’état. La majorité catholique n’était homogène qu’à la surface. Parmi les hommes sans fortune et sans indépendance que la suppression du cens d’éligibilité avait jetés dans la chambre des représentans, plusieurs ne s’étaient ralliés au clergé que par intérêt, par expédient, bien décidés à se tourner contre lui, dès qu’il cesserait de disposer des places. D’autres députés-fonctionnaires étaient parvenus, à force de docilité et de complaisance, à faire oublier leurs antécédens libéraux, et le clergé avait appuyé leur réélection. Les uns et les autres, comme la suite le prouvera, composaient ensemble un bon quart de la majorité. Fatigués d’un patronage qui subordonnait leur avenir politique et administratif au succès fort précaire d’une faction que commençait à repousser le sentiment général, et qu’ils ne servaient d’ailleurs qu’à regret, ils étaient les auxiliaires nés du premier cabinet libéral dont l’alliance leur offrirait quelques garanties. MM. Lebeau et Rogier le comprirent. Tandis que le parti catholique favorisait leur rentrée au pouvoir, pour séparer profondément encore le groupe radical du groupe doctrinaire, ils arrivaient, eux, avec la ferme intention de coaliser ces deux groupes, qui, réunis aux défectionnaires catholiques, leur donneraient une majorité bien faible, si l’on veut, mais suffisante dans un pays où tel cabinet a franchi des sessions entières avec un avantage de deux ou trois voix seulement.

Depuis long-temps d’accord sur la nécessité de contenir la réaction ultramontaine, les deux fractions du libéralisme différaient essentiellement encore quant aux moyens d’exécution. Chacune d’elles cherchait ces moyens dans sa doctrine de 1830. Fortifier le pouvoir pour le soustraire aux exigences cléricales, constituer un sénat inamovible qui pût contrebalancer la docilité forcée de la chambre des représentans, émanciper cette chambre elle-même en élevant le cens des campagnes au niveau de celui des villes, tel était le programme doctrinaire. Affaiblir le pouvoir, pour que le clergé ne fût plus tenté de s’en faire un instrument ; abaisser le cens des villes au minimum de celui des campagnes, et admettre les capacités avec un cens moindre encore pour neutraliser l’influence électorale des paysans ; diminuer enfin le cens d’éligibilité du sénat pour restreindre l’action politique de l’aristocratie, qui s’était constituée l’adversaire des idées de décentralisation, tel était le programme radical. Il reste constaté, disaient les doctrinaires, que la réaction ultramontaine procédé par le radicalisme ; donc