Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/738

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

présenta à Sombre, il sut conquérir sa sympathie. Incapable d’un sentiment de jalousie et se rappelant les épreuves de sa première carrière, Sombre s’attacha vivement à ce jeune homme, et lui fit obtenir du service dans l’armée de Sardannah. Croyant voir dans la qualité d’Européen une garantie suffisante de loyauté, il alla même jusqu’à admettre Dyce dans son intimité, et, lors d’une absence qu’il fut obligé de faire pour des négociations importantes avec des princes du voisinage, il lui confia le commandement, par intérim, des gardes de son palais.

Avec l’arrivée de Dyce à la cour de Sardannah, une période nouvelle s’ouvre, pour ainsi dire, dans ce récit. Sombre avait oublié que les fonctions de Dyce, en l’obligeant à voir fréquemment la reine et ses femmes, pouvaient faire naître entre elles et le jeune Anglais une familiarité dangereuse. Des graves intérêts de l’histoire nous retombons dans les émotions du roman. On connaît tous les acteurs du drame mystérieux qui va se jouer : d’une part, c’est une jeune princesse passionnée comme on l’est à vingt ans sous le ciel de l’Inde ; de l’autre, c’est un soldat confiant et brave. A côté d’eux vient se placer un homme qui unit à l’égoïsme opiniâtre et rusé de la race anglaise toutes les graces de la jeunesse et toutes les ressources de la séduction. Peut-être prévoit-on déjà le dénouement.

L’absence du général devait être longue. Il avait à régler sur la frontière, avec les rajas de Pattiala et de Khytal, les limites respectives de leurs états et de celui de Sardannah. Les négociations furent plus lentes encore qu’il ne l’avait pensé, et, trois mois après son départ, son retour paraissait aussi éloigné que jamais. On était dans la saison des grandes chaleurs, époque de lassitude et d’ennui, où la tête est vide, où les passions fermentent. La reine cherchait en vain à combattre la funeste influence de l’isolement et de l’oisiveté. Retirée dans le réduit le plus mystérieux du palais, elle ne cessait de questionner sa favorite Ayesha sur le caractère et les habitudes du séduisant étranger. Un seul de ces nombreux entretiens ne nous laissera rien ignorer des émotions nouvelles qu’éprouvait la begom. Pénétrons dans le séjour où la jeune reine cache sa tristesse. Traversons cette vaste salle, dont les arcades en ogive s’ouvrent sur une cour intérieure, entourée, comme un cloître, de cellules nombreuses, et plantée, comme un jardin, des fleurs les plus odorantes et les plus exquises. A l’architecture tourmentée des murailles, à ces riches couleurs qui chatoient sur les plafonds et sur tous les lambris, à ces brillans jets d’eau qui murmurent et bondissent dans des bassins de marbre, on reconnaît la suite d’appartemens que dans tout palais indien on appelle, par excellence,